La culture de don d'organes encore non développée dans notre société permet encore de profiter de la détresse des patients en leur promettant monts et merveilles dans les centres privés où ils s'éternisent. Au-delà de la manipulation sur le nombre de cas atteints, l'insuffisance rénale semble être un vrai fonds de commerce lucratif. L'hémodialyse, qui constitue une alternative thérapeutique intermédiaire et temporaire, recueille 90% des malades contre 10% par dialyse péritonéale. La prolifération des centres d'hémodialyse privés et publics explique bien cet état de fait. Ce qui n'encourage pas du tout la transplantation qui, selon les spécialistes, est l'unique et le meilleur moyen de traiter l'insuffisance rénale dont souffrent actuellement 14 000 personnes identifiées. La culture de don d'organe encore non développée dans notre société permet encore de profiter de la détresse des patients en leur promettant monts et merveilles dans les centres privés où ils s'éternisent. Le détournement de malades des structures hospitalières publiques vers des centres privés est aussi une pratique courante au vu et au su de tout le monde. Une situation que tiennent à dénoncer des praticiens et le syndicat national des néphrologues. La situation est très grave, souligne le Dr Daoud, néphrologue et directeur médical d'un établissement privé d'hémodialyse. Il s'insurge contre l'hypothèque de la profession par certaines personnes «non mandatées», encore non «élues». Il est urgent que les pouvoirs publics se penchent sur la question, à savoir la prise en charge des insuffisants rénaux et permettre le développement d'autres formes thérapeutiques, et surtout encourager et faire de la transplantation une priorité. «Il faut créer un équilibre dans la prise en charge de ces patients insuffisants rénaux. Ce n'est pas normal que la majorité d'entre eux soient admis en hémodialyse. Il faut aussi encourager la dialyse péritonéale qui a aussi ses avantages et ses inconvénients au même titre que l'hémodialyse», a-t-il souligné, avant d'interpeller les pouvoirs publics sur certaines pratiques contraires à l'éthique et à la déontologie en faisant référence au détournement des structures publiques vers le privé géré par les mêmes praticiens. En termes d'organisation et d'efficacité dans la prise en charge de cette maladie, le Dr Daoud s'insurge contre la décision de confier les directions des futurs centres agréés par le ministère de la Santé, mais non encore conventionnés par la CNAS à des médecins généralistes dont certains propriétaires sont des représentants d'associations de malades. «Cette mesure a déjà été annulée en 2006 et nous considérons que le suivi et la préparation des malades à la transplantation relève bien de la néphrologie. C'est aussi pour assurer une meilleure mainmise», a-t-il ajouté en soulignant que rares sont les cas extirpés de l'hémodialyse. 4 ou 5 greffes par mois Comme il dénonce la non-autorisation pour les néphrologues d'assurer la consultation au sein de leurs établissements. Pourtant, c'est ce qui peut permettre une meilleure prévention et un bon suivi. La sanction des infirmiers spécialisés en dialyse pour avoir travaillé lors de leurs journées de congé dans des structures privées est injuste, a-t-il signalé, en précisant que ces infirmiers spécialistes sont de plus en plus rares. Il a tenu à préciser que le nombre de néphrologues actuellement est important dont 150 exercent dans le privé et couvrent suffisamment les besoins en dialyse et en transplantation rénale. Des équipes médicales arrivent aujourd'hui à réaliser dans des centres hospitaliers 4 à 5 greffes par mois, ce qui constitue une bonne avancée. «Il est important aujourd'hui de réorienter les dépenses afin de développer la transplantation, car l'hémodialyse est l'échec de la néphrologie», a souligné le Pr Hadoum, chef de service de néphrologie à l'hôpital Parnet, interrogé sur la nécessité du développement de la greffe de rein. Il signale que 100 millions de dollars par an sont engagés pour assurer uniquement l'hémodialyse, et le secteur public ne consomme qu'un tiers de cette enveloppe. «Ce qui est en fait aberrant. Il est temps d'aller vers une normalisation des soins et de développer d'autres solutions thérapeutiques afin d'encourager sérieusement la transplantation rénale», a-t-il proposé. Un travail de sensibilisation et d'information doit commencer au niveau de ces structures par les néphrologues eux-mêmes auprès du patient et de sa famille. Il est important d'expliquer au patient qu'il a des chances d'avoir une meilleure qualité de vie une fois transplanté. «Cette sensibilisation est aujourd'hui possible puisque nos malades sont souvent des personnes jeunes et instruites», a-t-il ajouté. Mais il reste encore la volonté politique à forcer la barrière des interdits et élargir le spectre des donneurs.