Il s'agit bien sûr de la télévision algérienne dont les programmes du mois de Ramadhan de cette année ont fait l'objet d'une sévère critique si l'on se réfère à des articles de presse qui se sont fait l'écho de la déception du public. L'occasion était belle pour aborder la question des coûts des programmes jugés excessifs au regard de la qualité servie aux téléspectateurs, s'étonner de ce que le directeur général de l'ENTV, producteur exclusif en l'absence d'autres chaînes, annonce au même moment la création de nouveaux canaux de diffusion, alors que ceux existants restent déficitaires en volume et en qualité, et de reposer la question de la mission du service public qui doit fonder l'organisation et l'action de cette entreprise publique. Je voudrais apporter ici, en ma qualité de producteur privé, à titre personnel, une contribution sincère à ce débat, dire l'expérience des rapports avec la télévision depuis ces quinze dernières années et formuler quelques réflexions et propositions inspirées de la pratique quotidienne, loin de toute surenchère et de tout négativisme. Il faut d'abord rappeler qu'il y a une quinzaine d'années, la télévision algérienne diffusait durant le Ramadhan ses propres programmes (concerts de musique classique algérienne, sketches, caméra cachée, feuilletons religieux) et des productions étrangères, notamment moyen-orientales. De création récente, le produit audiovisuel national privé est né dans le contexte qui a favorisé la naissance d'une presse privée au moment où l'Algérie s'engageait dans la voie du pluralisme politique et médiatique, même s'il existait avant cette date, c'est vrai deux ou trois sociétés qui faisaient dans le film institutionnel sous couvert « d'activité artistique » et dont les promoteurs, dont il faut saluer le goût du « risque » à cette époque-là, sont connus dans le milieu audiovisuel. Les six sociétés de production audiovisuelle qui avaient vu le jour dans les années 1990 avaient été accompagnées dans leur « décollage économique » par les pouvoirs publics à travers des mécanismes de préachat de programmes mis en place par la télévision algérienne, expérience unique en son genre qui a duré près de deux années, qui a donné des résultats d'inégale valeur certes eu égard au profil des producteurs et réalisateurs concernés, mais qui a permis de tirer de nombreux enseignements de part, et d'autre. D'abord au niveau de la télévision qui n'était pas préparée à cette « intrusion » dans son champ d'activité traditionnel. Ne sachant à quelle direction centrale rattacher cette « nouveauté » (le produit audiovisuel privé), la télévision a mis en place un « bureau chargé des coopératives » (appellation impropre à nos yeux) auprès de la direction générale, bureau dirigé, un temps, par un réalisateur assisté par un directeur de production. Sans pouvoir de décision, cette structure ad hoc avait au moins le mérite, durant cette phase d'« installation », de recevoir les producteurs et leurs produits et de les orienter vers les directions concernées, principalement la direction de la programmation. En fait, cette structure jouait le rôle de « guichet unique ». Dès que la période de préachat qui s'apparentait à une cession définitive des droits de diffusion avait cessé, les producteurs privés, ou du moins ceux qui tenaient encore la route, se sont trouvés confrontés à la question des coûts des droits de diffusion (dérisoires) des programmes. Entre temps, aux six premières sociétés, se sont ajoutées de nouvelles entreprises créées par des techniciens et des journalistes spécialisés de I'ENTV, tentés eux aussi par ce qui fut appelé alors « l'aventure intellectuelle » et c'est ainsi que le « quorum » était atteint pour la création d'une Association des producteurs (AVA) agréée sous le n071 le 24 novembre 1995. Au même moment, des réalisateurs issus des entreprises nouvellement dissoutes, l'ENPA, le CAIC, l'ANAF, se préparaient à franchir le pas. Dans un souci de concertation, un comité de travail mixte (ENTV/producteurs privés) avait été installé pour élaborer des propositions de nouveaux barèmes, comité dont les travaux ont été sanctionnés par un protocole d'accord signé par les deux parties. Pour l'anecdote, le signataire côté ENTV, le directeur général de l'époque se retrouvera quelques années plus tard producteur privé... en colère devant les coûts pratiqués par l'ENTV. Le protocole d'accord signé à cette occasion et les barèmes consentis par l'ENTV n'étaient pas une fin en soi, bien sûr, mais avaient le mérite de baliser les rapports de la télévision avec les producteurs privés, qu'il s'agisse de la cession des droits de diffusion, de la coproduction ou de la production exécutive. Avec le respect que je dois à tous les directeurs généraux qui se sont succédé depuis les années 1990 à la tête de la télévision, deux d'entre eux vont marquer de leur empreinte la production audiovisuelle informative, de documentaire et de fiction : mon ami Abdou, compagnon de route des premières années de l'Ecole nationale de journalisme et l'actuel directeur général de l'ENTV, Hamraoui Habib Chawki, ancien ministre de la Communication et de la Culture et ancien porte-parole du gouvernement, néanmoins toujours producteur de télévision malgré ses charges multiples à la tête de l'« Unique » pour emprunter au moins une fois, amicalement, cette appellation à la terminologie de la presse écrite. Dès son installation en 2001, l'actuel directeur général de l'ENTV avait annoncé une augmentation de l'ordre de 30% des droits de diffusion, reçu à plusieurs reprises les producteurs privés en délégation ou à titre individuel, encouragé la production exécutive et la coproduction nationale et étrangère audiovisuelle et cinématographique et ouvert la voie à de nouvelles consultations avec les producteurs privés, consultations qui avaient abouti à l'élaboration de nouveaux barèmes de droits de diffusion, d'un cahier des charges pour le sponsor de production et à la conclusion d'un accord-cadre consacrant le producteur privé en sa qualité de partenaire de la télévision nationale et énonçant un certain nombre de principes. Si toutes ces « réalisations » n'ont pas été suivies d'une application stricte sur le terrain, il faut admettre de bonne foi qu'il n'y a jamais eu « d'interdit » ou de « fin de non-recevoir » à quelque niveau que ce soit des organes de la télévision, qu'il s'agisse de la première autorité, la direction générale, de la direction de la programmation ou de la direction de la production, même si aux yeux des producteurs nonobstant quelques cas de blocage réglés avec le temps, le parcours demeurait lent, long et insuffisamment rémunéré en dernier ressort, lorsque leurs projets étaient retenus.(A suivre) 15 novembre 2005