L'Algérie vit un moment dramatique de son histoire, potentiellement aussi explosif que celui qui affecte d'autres pays de la région, du fait des blessures encore ouvertes des deux dernières décennies, des politiques économiques incohérentes et des politiques sociales injustes. Les blocages du système politique autoritaire sont tels que l'émeute apparaît comme l'unique recours à une grande partie de la population qui subit le déni des droits et la hogra des détenteurs du pouvoir. De plus en plus de voix s'élèvent aujourd'hui pour revendiquer un changement radical du système politique autoritaire et corrompu qui préside aux destinées de l'Algérie depuis son indépendance. La dernière initiative en date, une marche nationale pacifique le 12 février (aujourd'hui), émanant d'une «Coordination nationale pour le changement démocratique» vient de se voir signifier une interdiction en violation des droits et libertés garantis par la Constitution. Un pouvoir, déconnecté de son peuple et sourd aux aspirations des populations, semble décidé à employer tous les moyens répressifs pour empêcher toutes expressions et manifestations populaires, notamment celles de la jeunesse dépossédée de son présent et de son avenir. Ira-t-il jusqu'à l'irréparable comme ce fut le cas en octobre 1988 et avril 2001 ? L'Algérie et les Algériens, non encore remis d'une guerre civile qui a causé des centaines de milliers de morts, des milliers de disparus, des blessures physiques et psychologiques profondes doivent pouvoir retrouver la paix, jouir de conditions d'existence décentes. Nous appelons tous les patriotes où qu'ils soient pour agir et peser de tout leur poids afin d'en finir avec la répression et d'engager l'Algérie dans une véritable transition démocratique. Cette transition démocratique veillera à la mise en place des institutions nécessaires à l'établissement et au fonctionnement de l'Etat de droit et définira les politiques pour la réalisation d'une société plus juste, plus égalitaire et plus solidaire. Le contexte exige que s'engage un véritable débat national qui associera toutes les sensibilités politiques et culturelles pour une refondation de la République algérienne. Cette refondation, tout en tenant compte des sacrifices et de l'héritage de la lutte de libération nationale, ouvrira la voie au respect effectif des droits et des libertés garantis par les différents pactes internationaux que l'Algérie a ratifiés.
- Paris le 9 février 2011. Mohammed Harbi (professeur d'histoire) ; Madjid Benchikh (professeur de droit) ; Aïssa Kadri (professeur de sociologie) ; Ahmed Dahmani (maître de conférences en économie)