Les trois partis de l'Alliance présidentielle ont fait l'impasse sur le tournant historique qui est en train de se négocier aujourd'hui dans le monde arabe où la revendication démocratique est massivement portée dans la rue par les masses populaires. De l'onde de choc qui a affecté l'Algérie, ils n'ont tiré aucune leçon, ne retenant que les «préoccupations» des grandes capitales occidentales exprimées au lendemain de la répression de la marche du 12 février. Comme de tradition, le FLN, le RND et le MSP ont récité la vieille rengaine de l'ingérence de «l'ennemi extérieur» pour dédouaner le régime en place du muselage des libertés démocratiques, dont celle de manifester pacifiquement. Prisonnière de son allégeance absolue au président de la République, paralysée par les guerres incessantes que se livrent entre eux ses trois leaders, cette alliance contre nature n'a pu que hurler avec les loups. Elle tente de sauver le régime qui entre dans son dernier quart d'heure dans l'espoir de se sauvegarder elle-même. Un soubresaut de dernière minute devant le processus de renaissance de la société algérienne. Galvanisée par le vent de révolte qui souffle dans le monde arabe et par les premiers succès enregistrés en Tunisie et en Egypte, la société civile – incarnée par des organisations sociales, des associations, les syndicats libres et des figures emblématiques de la politique, de l'économie et de la culture – a entamé, aux côtés de l'opposition politique, une coordination de lutte devant aboutir à un large front démocratique. Une entreprise lente, délicate et difficile après tant d'épreuves – une vingtaine d'années de cumul de coups assénés tant par la terreur terroriste que par la chape de plomb du système politique. En menant, durant la décennie 1990, une résistance acharnée sur ces deux fronts, l'étau a été desserré sur le pays, mais le prix à payer fut lourd : des milliers de morts, un exode massif des cadres, l'effritement de la plupart des formations politiques et la disparition de multiples structures d'encadrement associatives et syndicales. Au lieu de se porter au secours des forces démocratiques, le pouvoir, incarné par Bouteflika, s'attela dès 1999 à leur porter le coup de grâce, ouvrant ainsi un autre front de luttes. La confrontation fut douloureuse. Le mouvement citoyen amazigh finit par obtenir la constitutionnalisation de tamazight, mais laissa sur le terrain des dizaines de morts. D'harassantes grèves ont été initiées par des syndicats autonomes avec des résultats mitigés, tandis que des émeutes à caractère social ponctuèrent le quotidien des villes et des villages. S'appuyant sur une rente pétrolière inespérée, le régime Bouteflika n'eut pour seul souci que de se pérenniser avec un visage autocratique. Mais maintenant que le vent tourne et que les dictatures arabes tombent l'une après l'autre, persistera-t-il dans cette ligne suicidaire ? Une porte de sortie existe, celle du changement radical dans le sens des revendications de la société civile et des populations. Elle doit être vite empruntée, ne serait-ce que pour préserver la Nation de nouvelles épreuves pouvant naître d'une confrontation violente.