Ce qui était encore présenté comme un malentendu global, une absence politique ayant profité à une minorité de nostalgiques en casques blancs, se sera avéré être plus qu'une faute de mauvais goût, en réalité une franche position historique révisionniste adoptée au consensus. Hier, l'Assemblée nationale française, digne représentante du peuple français, lui-même descendant de nos ancêtres les Gaulois, a refusé de modifier la loi sur « le rôle positif de la colonisation française en Afrique du Nord », justifiant donc cette lecture injuste d'une séquence historique sanglante qui a dépossédé tout un peuple, lui a napalmé ses forêts et confisqué ses terres pour finalement lui accorder un taux d'analphabétisme de 90% à l'indépendance en 1962. Vu les retournements de l'histoire actuelle, les dépossessions mémorielles, l'arrogance des puissants et les nouvelles guerres de type colonial, ce ne serait pas trop grave s'il n'y avait un traité à signer, dont on se demande aujourd'hui à quoi peut-il bien servir, et surtout un malade officiel algérien en France. Car si une loi sur « le rôle positif de la France dans la médecine en Afrique du Nord » semble plus évidente à voter à l'Assemblée française, la position la plus inconfortable actuellement doit certainement être celle du président algérien, médicalement assisté à Paris. Pour lui, pour sa vision de l'avenir, pour ses stratégies d'amitié et ses alliances multicoques, l'équation en devient mortelle : peut-on en même temps être patron des courants nationalistes algériens et être l'ami de Jacques Chirac, autant patron de l'UMP, le parti qui a refusé de changer cette loi, que patron d'un ministre des Affaires étrangères initiateur de cette même loi ? Coïncidence au sommet, Jacques Chirac, qui fêtait hier ses 73 ans, avait lui-même fait un séjour en septembre dernier au Val-de-Grâce. Si le président Bouteflika, 68 ans, espère en sortir comme son grand ami, rapidement et sans trop de dégâts, l'homme qui a gracié toute l'Algérie aura pourtant du mal en partant à gracier la France pour son entêtement de petit colon, malgré son rapprochement historique avec le président français. On peut compatir ici avec ce dilemme d'un Président déjà rendu malade par ses proches. Abdelaziz Bouteflika doit certainement avoir la télévision dans sa chambre d'hôpital et a dû suivre tristement la session de l'Assemblée française. Politiquement, il a tout intérêt à rentrer très vite au pays. Même si, médicalement, le risque est gros.