est Porte-parole du Comité national pour la défense des droits des chômeurs - Les marches pacifiques, option adoptée par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), semblent avoir atteint leurs limites objectives. En tant que porte-parole du Comité national pour la défense des droits des chômeurs, membre de la CNCD, quel(s) moyen(s) de lutte préconisez-vous pour imposer le changement et la démocratie et espérer une adhésion massive ? Il faut d'abord clarifier les choses. Il est primordial de définir quel type de changement nous voulons, et quel modèle d'organisation il faudrait, le cas échéant, adopter. Nous devons tenir compte des erreurs du passé et nous ouvrir davantage au monde du travail. La CNDC doit impérativement intégrer les revendications du peuple, du monde du travail, et de la jeunesse précarisée. Les Algériens attendent un changement radical, aspirent à une société où l'exploitation, la précarité, la soumission et la répression, la connivence avec l'impérialisme n'ont pas de place. Nous devons sortir de l'amateurisme et de la lâcheté organisationnelle. Il faut construire des comités locaux démocratiques et assez représentatifs. Le plus grand challenge est de gagner les travailleurs et les syndicats dans la perspective d'une grève générale. A ce moment-là, le changement sera possible, comme ce fut le cas en Tunisie.
- La forte mobilisation escomptée par la CNCD lors de sa marche du 19 février n'était pas au rendez-vous. Quelles en sont les raisons ?
Les raisons sont multiples. D'abord, la répression était très importante. Les forces de police ont empêché les manifestants d'entrer à Alger, quadrillé la place du 1er Mai, devenue inaccessible pour les manifestants. Aussi, la propagande du régime a fait des ravages au sein de la société. Le régime a instrumentalisé la peur qu'ont les Algériens d'un retour à la décennie noire, présenté les marches du 12 et 19 février comme étant celles du RCD, alors qu'elles étaient l'œuvre d'une coordination qui, comme son nom l'indique, est forcément plurielle. Cela s'ajoute au discours bien rôdé qui laisse peu de choix aux Algériens : Bouteflika «le sauveur de la nation» ou le chaos ! Autre raison, et elle est très importante à mon sens : le pluralisme politique est vécu comme un échec par le peuple. Une perversion même. La pratique politique et syndicale est perçue et, parfois à juste titre, comme un moyen de promotion sociale. Il faut admettre aussi que la CNCD a énormément précipité les choses. On aurait dû se donner plus de temps, s'organiser davantage, sensibiliser les citoyens. Et pour vous dire vrai, au sein de la CNCD, il se profile comme des velléités de caporalisation de la démarche : nous ne sommes pas assez représentatifs, et nous devons nous ouvrir d'avantage. - La CNCD est cataloguée comme appendice du RCD. D'ailleurs, certains comités autonomes siégeant au sein de cette coordination s'en sont publiquement démarqués et ont rejeté l'influence du parti de Saïd Sadi. Qu'en pensez-vous ? La CNCD n'est pas le RCD. C'est une coordination plurielle. Sauf que la presse nationale et étrangère ont amplifié la présence du RCD. Chose qui irrite plusieurs membres de la CNCD, notamment les jeunes. Il faut le dire : ces jeunes expriment aussi les avis d'une bonne partie du peuple, notamment dans les quartiers populaires d'Alger. Cela ne m'empêche pas aussi de reprocher au RCD le fait qu'il soit représenté au sein de notre coordination par plusieurs organisations fantoches. Je pense qu'il faut mettre un terme à cette mascarade. Celui qui ne représente rien n'a pas sa place dans les instances de la coordination. Ces propos ne sont pas dictés sous l'effet de la propagande officielle ni ne visent à régler des comptes avec ce parti. Mon souci est d'instaurer un climat de travail serein. Il n'est vraiment pas intéressant de reproduire les échecs passés, comme ceux du MCB ou du mouvement citoyen de 2001. J'ai la profonde conviction que le peuple a besoin de voir de nouvelles têtes, une pratique saine de la politique et des militants qui défendent réellement les intérêts des défavorisés, pas des nantis. - Louisa Hanoune, la SG du Parti des travailleurs, et certaines organisations satellites du régime ont accusé la CNCD d'être à la solde des USA et de L'UE. Vous sentez- vous suppôts de l'impérialisme ? Ecoutez, le PT se trompe d'ennemi. Ce n'est pas la CNCD qui a vendu les entreprises nationales, signé les accords d'association avec l'UE ; ce n'est pas nous qui avons tenté de dénationaliser les hydrocarbures, ou offert le port d'Alger à DPW… et la liste est très longue. Il se trouve que c'est le régime actuel qui représente objectivement les intérêts de l'impérialisme et du capital. Déjà, nous, en tant que comité de chômeurs, nos revendications vont à l'encontre des orientations du FMI en matière d'emploi et contre tout monopole privé et des multinationales sur l'activité économique. Ce serait vraiment absurde que de prétendre ces revendications comme émanant de la CIA, de la DST ou autres officines. Nous sommes conscients que les Etats-Unis veulent imposer un changement à la GMO en Algérie ; mais ce jour-là, nous serons les premiers à sortir dans la rue pour les dénoncer et les chasser, comme en Tunisie. Une dernière chose : qu'est-ce qui empêche les partis de l'Alliance présidentielle, qui se font aujourd'hui les chantres du patriotisme économique, de voter des textes remettant en cause les accords d'association avec l'UE, de reprendre le contrôle de Lafarge ou de chasser le FBI d'Algérie ? Tout le monde sait qu'ils vendent chaque jour une partie de la souveraineté nationale aux Occidentaux.