De nombreuses photos montrent que des femmes occupaient l'espace public et, preuve supplémentaire s'il en est, l'engagement de ces femmes — étudiantes, diplômées, femmes au foyer, épouses de travailleurs, travailleuses, chômeuses — dans la lutte de Libération nationale en «territoire métropolitain». Dans une présentation introductive de l'ouvrage Femmes en migration. Travail, bizness, exil, asile, publié par la revue Naqd (revue d'études et de critique sociale n° 28), Aïssa Kadri, Adelina Miranda commencent par noter que les migrations féminines ne sont pas un phénomène nouveau, autant dans l'espace monde que dans l'espace Méditerranée. Les femmes de la Méditerranée ont de tout temps émigré, seules ou en famille. Nombre d'observateurs et de témoins, précisent-ils, ont relevé que les premières générations d'émigrés algériens comprenaient des femmes et des enfants. De nombreuses photos d'époque montrent que ces femmes occupaient l'espace public et, preuve supplémentaire s'il en est, l'engagement de ces femmes – étudiantes, diplômées, femmes au foyer, épouses de travailleurs, travailleuses, chômeuses – dans la lutte de Libération nationale en «territoire métropolitain» a été important et leur participation à Paris à la manifestation d'Octobre 1961 en tant que telles est apparue comme un moment emblématique de leur affirmation dans l'espace public (politique). La réalité historique de cette immigration féminine a été cependant quelque peu occultée jusque-là et l'image de l'homme seul, paysan devenu manœuvre et ouvrier, migrant pour des raisons essentiellement économiques, a longtemps prévalu. L'étude des femmes dans les actuels mouvements de population ouvre dans ce numéro des interrogations spécifiques, signalent les deux chercheurs. De ce point de vue, et comme suite au numéro précédent portant sur les nouvelles migrations, l'adoption d'une perspective de genre apporte un nouvel éclairage aux phénomènes migratoires. Il souligne la double inscription des femmes dans la sphère productive et reproductive au travers de la recomposition constante des catégories socialement construites de sexe. Cependant, si la migration féminine remonte loin dans l'histoire, elle s'est profondément transformée dans ce nouvel espace – temps d'une mondialisation inégale, développant de nouvelles logiques sociales, de nouvelles représentations, configurant de nouvelles stratégies, de nouvelles modalités de circulation et d'insertion, de nouveaux rapports aux pays dits d'accueil et d'origine. Majoritairement européennes (Italiennes, Espagnoles, Portugaises) dans les années 1950-1960, les nouvelles migrantes proviennent, ces dernières années, du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Un émigré algérien sur deux est une femme. Les articles composant ce numéro analysent une série de figures : celles des réfugiées politiques par Narriman Abid; des réfugiées de l'intérieur par Dalila Iamarène ; des adolescentes ou les mineures par Elodie Razy ; des femmes qualifiées et diplômées du supérieur par Myriam Hachimi Alaoui ; des Odile Merckling, Chadia Arab ; celles qui «transgressent» l'espace public par Antonio Alvarez Benavides. Femmes réfugiées, femmes sans papiers, femmes qui migrent ou circulent «seules», femmes qui partent dans le cadre du regroupement familial, toutes contribuent à la construction d'un champ migratoire commun, est-il encore précisé. Une des caractéristiques à tirer de l'observation des nouvelles migrations, c'est que celles-ci apparaissent comme en rupture avec la famille, la tribu, la communauté nationale. Tout se passe comme si les nouveaux groupes migrants, et plus particulièrement les femmes qui émigrent seules, sont dans un processus d'émancipation du communautaire, voire du national. Et ce constat : il y a plus de proximité que de distance culturelle entre les deux rives de la Méditerranée.