Le dernier numéro de Naqd est enfin mis en vente dans les librairies ! Sous le titre Femmes en migration : travail, business, exil, asile, l'équipe de la revue d'études et de critique sociale, dirigée par l'historien Daho Djerbal, a tenté de cerner la question des mouvements migratoires, convaincue aussi que ces derniers aident à saisir les “interpellations auxquelles notre société (fait) face dans sa quête d'issue démocratique”. Dans son approche des migrations féminines, le numéro 28 de la revue Naqd revient ainsi sur un phénomène qui n'est pas nouveau dans l'espace monde et l'espace Méditerranée/Maghreb. Il observe “une croissance assez forte de la part des femmes maghrébines” dans les dernières vagues migratoires (depuis le milieu des années 1970). Contrairement aux années 1950/1960, qui ont enregistré des migrantes, seules ou en famille, majoritairement européennes (italiennes, espagnoles, portugaises), les nouvelles migrantes proviennent ces dernières années des pays maghrébins et de l'Afrique subsaharienne. Se basant sur les statistiques de l'INSEE, la revue Naqd révèle que le taux de féminisation passe pour les Algériennes déplacées en France de 36,4% en 1982 à 45,1% en 1999. Elle annonce, par ailleurs, que ce taux est aujourd'hui “supérieur de plus d'un point par rapport à celui de la part des hommes dans le groupe immigré algérien”, donnant les parts suivantes : un émigré algérien sur 2 est une femme. Autre constat : si la migration féminine remonte loin dans l'histoire, elle s'est néanmoins transformée profondément, en relation avec l'”accroissement certain” du nombre des femmes migrantes venues du sud de la Méditerranée et en raison d'une “mondialisation inégale”. Celle-ci a donc développé “de nouvelles logiques sociales, de nouvelles représentations” et configuré “de nouvelles stratégies, de nouvelles modalités de circulation et d'insertion, de nouveaux rapports aux pays (…) d'accueil et d'origine”. Les articles présentés dans le dernier numéro de Naqd mettent au centre des analyses une série de figures, qui vont des cas extrêmes comme “les réfugiées politiques”, “les réfugiées de l'intérieur”, voire même “les adolescentes ou les mineures”, aux “femmes qualifiées et diplômées du supérieur”, en passant par “les commerçantes” et “les travailleuses précaires et sans papiers”. Ils “restituent la détermination, les décisions, les initiatives des femmes migrantes et l'importance des processus d'autonomisation qui en découlent”. Comme ils soulignent “les tensions qui existent entre les parcours individuels, familiaux et collectifs, entre le local et le global”. L'étude des femmes dans les flux migratoires actuels ouvre dans ce numéro des interrogations spécifiques et contribue à la déconstruction des stéréotypes, notamment celui de la femme maghrébine “soumise et dépendante de la logique familiale et de la parentèle”. Certains articles confirment que la mobilité transnationale des classes moyennes des sociétés maghrébines “reste le principal moyen de promotion et d'épanouissement individuel et professionnel”. Quant à l'analyse consacrée aux “migrantes de l'intérieur”, ces “femmes jeunes, seules ou avec des enfants, chassées de leur domicile ou ayant quitté la demeure familiale”, elle développe l'idée selon laquelle cette forme de mobilité constitue à la fois “un facteur d'instabilité” et “la consécration du processus d'individuation des femmes”. Dans ces conditions, les familles ne sont plus “les protectrices ni les garantes de la condition des femmes”, d'où l'intérêt d'engager la réflexion sur “la mise en place d'un nouveau statut des femmes dans l'espace familial et dans l'espace public”. “Femmes en migration : travail, business, exil, asile” s'inscrit en droite ligne dans les débats actuels concernant la gestion des flux migratoires, ainsi que les enjeux et les problèmes suscités par les différentes formes de mobilité, à la lumière des mutations observées à l'échelle locale et internationale.