Est-ce que Essaha est bien la première comédie musicale algérienne au cinéma ? Cette question a suscité un petit débat dans la profession et dans la presse. Certains ont cité quelques productions antérieures, comme les téléfilms satiriques de Mohamed Hilmi où le comédien y chantait. Mais il ne s'agissait pas de cinéma. D'autres ont mis en avant Lahn el Amel (Mélodie de l'espoir) du regretté Djamel Fezzaz qui avait connu, en 1992, un succès marquant en salles, sans doute le dernier de cet ampleur avant que l'Algérie ne plonge dans la terreur et que le réalisateur, après avoir échappé miraculeusement à un attentat à Bab El Oued, dont il ne s'était jamais remis, ne décède d'une maladie. Le premier rôle revenait au chanteur raï Abderrahmane Djalti qui interprétait plusieurs morceaux de ses chansons dans le film. A sa sortie d'ailleurs, on parlait de «film musical». Le genre de la comédie musicale, après avoir connu plusieurs influences, dont celles de l'opéra ou de l'opérette (terme justement utilisé par Hilmi pour ses films) a finalement été marqué et formaté par le cinéma américain. La distinction s'est depuis établie entre film musical (englobant films sur des chanteurs ou films aux bandes originales truffées de musique) et comédie musicale. Pour cette dernière, deux régles : la continuité dramatique des parties musicales et des parties jouées, soit une intégration profonde des chants et musiques dans la narration filmique, et la présence de la danse dans le film. Essaha répond pleinement à ces critères et de ce point de vue, on peut donc affirmer qu'il s'agit de la première comédie musicale du cinéma algérien. En revanche, il ne répond pas à d'autres critères de la comédie musicale : des budgets colossaux assurant des diffusions très longues et une combinaison scène-écran, le spectacle vivant donnant généralement lieu au film. Ainsi la version anglo-saxonne des Misérables (1985) de Victor Hugo, produite par Cameron Mackintosh, a battu tous les records en restant 21 ans à l'affiche ! De ce point de vue, Essaha sort de ces critères. L'attribution abusive de l'expression «West side story algérien», que ces auteurs refutent aussi, même si l'on peut trouver quelques influences, a créé une confusion dans l'appréciation du film. Et si Essaha est bien une comédie musicale cinématographique, il importe surtout qu'il soit une belle tentative d'introduire le genre dans notre pays, où il pourrait connaître le succès que les fims indiens ont dans leur propre pays, dans le monde et en Algérie où la veine Bollywood a été appréciée depuis longtemps.