L'un des meilleurs spécialistes algériens des séries télévisées vient de tirer son chapeau. Le cinéaste algérien, Djamel Fezzaz, n'est plus. Il s'est éteint avant-hier à l'hôpital Mustapha Bacha, à Alger, des suites d'une longue maladie. Un cancer de la gorge a eu raison de lui, laissant le monde du cinéma en deuil. Il est parti comme partent les artistes, silencieusement, sans faire de bruit pour ne pas dire sur la pointe des pieds. Car l'âme si sensible des gens de l'art n'admet pas le choc. Ainsi donc est parti le père de El Massir, El Wassia, Kayd Ezzamane, Lahn El Amal. Des feuilletons qui lui ont permis de s'imposer dans un genre assez difficile et peu pratiqué en Algérie, qui ont leur pesant d'or et s'inscrivent dans les annales d'or de l'histoire de notre cinéma. Né à Skikda, en 1951, Ahmed Fezzaz, dit Djamel, décroche son diplôme de réalisateur en 1973 après une formation à l'ex-RTA. Il n'avait alors que 22 ans. Une longue et prometteuse carrière cinématographique s'ouvrait à lui. Il se tourne vers la réalisation des courts métrages, comme tout débutant dans l'univers ensorcelant du septième art. Ceci lui a valu une récompense à Grenoble, en 1974. De toutes ses réalisations, les préoccupations de la jeunesse occupent le devant de sa réflexion en matière cinématographique. D'ailleurs, son premier documentaire a porté sur la délinquance juvénile avec, pour couronner ce thème, la réalisation d'un documentaire intitulé La grande tentative. Djamel Fezzaz a eu, au long de sa carrière, à approfondir la thématique de ses films. Une volonté terrible de se consacrer à «l'exploration» de la société algérienne, avec ses tabous, ses interdits et ses préjugés, lui taraude l'esprit. En 1985, l'idée est mûre. Ne reste alors que la concrétisation. Sur le coup, il s'attaque aux sujets les plus tabous qui faisaient problème comme celui de la femme, en tournant une série en 7 parties où il aborde le sujet de la femme et le travail. Son premier long métrage, L'Affiche, il le réalise en 1983, avec, comme acteur principal, la figure emblématique du cinéma et du théâtre algériens, Rouiched. Armé d'une volonté de fer, Fezzaz continue son petit bonhomme de chemin et semble avoir trouvé son vrai créneau : le feuilleton où il commet quelques-unes de ses meilleures réalisations. C'est ainsi qu'il réalise pour le compte de la Télévision algérienne, l'un des tout premiers feuilletons algériens, El Massir. Une série de 17 épisodes qui lui vaudra un grand succès auprès des téléspectateurs algériens. En 1992, le terrorisme frappait l'Algérie de plein fouet. La scène artistique algérienne se vide. C'est le début d'une décennie qui plongea le pays dans l'effusion du sang. Des artistes, des journalistes, des écrivains sont assassinés. Beaucoup ont dû quitter le pays vers d'autres cieux plus cléments. Toutefois, nombreux aussi sont ceux qui sont restés. Djamel Fezzaz était de ceux-là. Bravant les menaces, défiant les anges de la mort. Il tourne, en 1992, Lahn El Amal (la mélodie de l'espoir). Un film musical avec le chantre de la chanson moderne algérienne, Abderrahmane Djalti. Un long métrage venu comme pour dire aux fous de Dieu, que malgré les attentats, les massacres perpétrés çà et là, l'Algérie reste toujours debout. Fière de sa progéniture. Djamel Fezzaz en paie les frais. En 1995, il est victime d'un attentat terroriste dont il sort indemne. Cette abnégation du réalisateur, son engagement pour le triomphe de l'art et de la culture, donnèrent à Djamel Fezzaz d'inaugurer, au début de l'année, le premier Fennec d'Or algérien récompensant l'ensemble de son oeuvre. Djamel Fezzaz a été enterré hier, au cimetière d'El Alia. Adieu l'artiste!