Lors de la conférence-débat consacrée, hier à Alger, par le Centre de recherche stratégique et sécuritaire (CRSS) au pluralisme médiatique en Algérie, Ahmed Adimi, docteur en sciences de l'information et de la communication et colonel de l'ANP à la retraite, a soutenu, avec arguments à l'appui, que le verrouillage du champ médiatique et particulièrement du secteur de l'audiovisuel était «une menace pour la sécurité nationale». Il a expliqué qu'en interdisant l'ouverture de chaînes de télévision privées, le pouvoir livre pour ainsi dire l'opinion algérienne pieds et poings liés aux chaînes étrangères. Par ailleurs, M. Adimi s'est dit ne pas comprendre pourquoi les décideurs persistent dans leur entêtement dans la mesure où le «ciel est ouvert». Regrettant l'absence de débats critiques qui caractérise les médias publics, le conférencier a défendu l'idée que la télévision algérienne ne peut pas satisfaire tous les goûts quels que soient les efforts qu'elle pourrait consentir, cela contrairement au discours tenu par ses responsables. D'où la nécessité, selon lui, d'introduire des éléments de concurrence dans le secteur de l'audiovisuel. La presse : Une situation peu reluisante Ahmed Adimi a également dressé un tableau peu reluisant de la situation de la presse écrite algérienne. Selon lui, seuls deux ou trois journaux peuvent vraiment se targuer d'être indépendants en raison du fait qu'ils possèdent leurs propres moyens d'impression et de diffusion. Un avantage précieux qui leur permet, a-t-il dit, d'avoir la maîtrise de leur ligne éditoriale. Ahmed Adimi a expliqué que les autres titres ne sont pas, par conséquent, à l'abri de pressions puisqu'ils dépendent des imprimeries publiques. Cette somme d'éléments a ainsi amené l'invité du CRSS à parler de «pluralisme médiatique limité en Algérie». M. Adimi a trouvé également anormal que l'ANEP, dont le fonctionnement ne répond actuellement à aucune logique commerciale, puisse avoir un droit de vie et de mort sur les journaux. Plaidant pour la mise en place de règles du jeu transparentes dans le secteur des médias, il a tenu en outre à dénoncer la violation quasi quotidienne par certains titres des règles d'éthique et de déontologie. En guise d'exemple, M. Adimi a évoqué le lynchage médiatique dont ont fait récemment l'objet le leader du RCD, Saïd Sadi, et le président d'honneur de la LADDH, Ali Yahia Abdennour. Abondant dans le même sens, Mohamed Lagab, enseignant à l'université d'Alger, a lui aussi parlé d'un déficit démocratique et expliqué qu'avoir une pléthore de journaux ne signifie pas forcément que la presse algérienne est libre. A ce propos, il fera remarquer que la majorité des journaux ont la même ligne éditoriale et soutiennent tous le même personnel politique. Revenant sur les cas de la Tunisie et de l'Egypte, M. Lagad a également indiqué que l'avènement des nouveaux médias est un autre élément qui plaide en faveur de l'ouverture et du changement. Enfin, Abdelali Rezagui, également professeur de journalisme à l'université d'Alger, a pour sa part mis l'accent sur la formation des journalistes. Une formation qui, pour le moment, laisse à désirer autant que l'est la politique du gouvernement en matière de médias.