Explosions de joie, liesse populaire, feux d'artifice, salves d'armes automatiques, les Benghazis ont accueilli avec un profond soulagement l'annonce, tard dans la soirée de jeudi, du vote de la résolution de l'ONU sur l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne en Libye et le recours, par conséquent, à des frappes militaires contre des objectifs militaires et civils stratégiques du régime libyen. Sur la grande place de la ville, où les Benghazis ont suivi sur un écran géant les travaux du Conseil de sécurité, se dégageait un parfum d'indépendance et de libération. D'espoir retrouvé après les atermoiements de la communauté internationale et les menaces renouvelées d'El Gueddafi proférées peu avant l'opération de vote de lancer son offensive imminente sur Benghazi. Le «guide» libyen a misé sur les divisions des membres du Conseil de sécurité et principalement sur les deux membres permanents : la Chine et la Russie, auxquels il a fait miroiter la perspective de leur donner les clés de son économie en remplacement de la France et des autres pays qui auront pris le parti de la rébellion. Jamais dans l'histoire récente des relations internationales, le recours à la force pour une intervention militaire sous mandat de l'ONU n'a été aussi rapide et aisée à obtenir, comme ce fut le cas pour la crise libyenne. Le dossier à charge contre El Gueddafi – qui n'a cessé de cumuler les atteintes aux droits de l'homme, dérives qui ont valu l'exclusion de son pays de la commission des droits de l'homme et l'ouverture de son dossier devant la Cour pénale internationale (CPI) – était devenu indéfendable. Fidèle à son personnage nourri aux élans révolutionnaires d'une période révolue, il promet l'enfer à ceux qui, d'aventure, oseront attaquer la Libye avant de se dégonfler et d'annoncer un arrêt immédiat des hostilités pour tenter de se tirer d'affaire. Un geste qui, selon toute vraisemblance, arrive trop tard. A présent que la communauté internationale a donné son feu vert pour voler au secours du peuple libyen, El Gueddafi sait parfaitement que la guerre est désormais perdue pour lui. Le recours à la zone d'exclusion aérienne est une forme subtile d'intervention militaire. Il reste à savoir, au-delà de l'aspect militaire du conflit, quel est le scénario politique possible qui pourrait être envisagé pour chasser El Gueddafi du pouvoir. Il est établi que lorsque les grandes puissances envoient leurs troupes sur un théâtre d'opérations, ce n'est pas seulement pour des objectifs humanitaires qui ne sont qu'un prétexte à l'intervention. Intervention militaire et transition politique font partie d'un même package. La France, qui a joué un rôle capital dans l'élaboration et l'adoption de la résolution, a déjà fait son choix en reconnaissant le Conseil national libyen (opposition à El Gueddafi). L'Union européenne a admis que l'opposition libyenne est un interlocuteur valable. Le président américain Obama ne cesse de répéter que le président El Gueddafi doit partir. La Ligue arabe a pris ses distances vis-à-vis du régime libyen. C'est dire que le consensus pour le départ d'El Gueddafi ne pose aucun problème. L'histoire retiendra que l'Algérie officielle a, dans l'appréciation de ce conflit, ramé à contre-courant en votant contre la résolution de la Ligue arabe sur l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne en Libye.