Alors que le monde a déclaré 2011, année internationale des Forêts après que 2010 ait été celle de la biodiversité, et que l'Algérie célébrait du 19 au 21 mars la Journée mondiale de l'arbre sous le slogan «Plantons pour une Algérie verte», les autorités locales à Tarf, wali en tête, enfourchaient des bulldozers pour défricher une zone protégée du Parc national d'El Kala. Une nouvelle route est en cours de réalisation dans une zone classée du Parc national. «Encore une !», s'exclame-t-on devant cette propension à dérouler du bitume dans la nature au lieu de réparer les chaussées impraticables en ville comme dans la campagne. La nouvelle voie va traverser une bande dunaire du littoral pour permettre d'accéder à une plage qui a pu garder son caractère naturel, comme prévu par son statut de réserve, par la grâce précisément de son inaccessibilité par voie terrestre. C'est la dernière plage de ce magnifique rivage, considéré comme une exception dans le bassin méditerranéen. Elle était un peu oubliée pour rester ainsi dans cet «état-témoin» comme le souhaitaient, il y a trente ans, les initiateurs de l'aire protégée d'El Kala qui réservaient cet espace aux tortues qui ont en fait un des rares lieux de ponte de la Méditerranée. Toutes les autres, classées elles aussi, ont été ouvertes au mépris de la loi. Sans études d'impact, disproportionnées, elles ont été calibrées au pif, sans mesures de la fréquentation comme c'est l'usage ailleurs et surtout sans pouvoir la maîtriser. Ainsi, au bout de vingt-cinq ans d'existence et sans pouvoir y faire face, le littoral du Parc national s'est retrouvé, avec ces routes proscrites, dans la situation contraire aux objectifs assignés par son plan d'aménagement. Les engins lancés dans le maquis dunaire à l'ouest de l'embouchure du lac Mellah ont défoncé 1,5 km sur une largeur 12 m. Les travaux ne peuvent pas être ceux d'une piste forestière ou d'une tranchée pare-feu comme on cherche à le faire croire dans ce secteur qui, paradoxalement, finance les travaux alors qu'il a aussi la charge des parcs nationaux. C'est pour placer tout le monde devant le fait accompli, comme cela est l'usage. D'ailleurs, on ne cache pas le but visé. Il s'agit bien d'une route pour ouvrir au public cette magnifique plage et offrir des opportunités d'emploi. Les travaux entrepris et le projet transgressent la loi une fois encore outrageusement bafouée dans le Parc national d'El Kala. La loi du 5 février relative à la «protection et à la valorisation du littoral» interdit dans son article 9 de «porter atteinte à l'état naturel du littoral» comme c'est le cas à Souk Reguibat, la mechta à 18 km à l'ouest d'El Kala, sur la route du cap Rosa, où prend naissance la piste défrichée. Comme pour insister sur l'impérieuse nécessité de sauvegarder ce qui reste protégé, cette loi précise dans l'article 11 que «toutes les activités, dont les balnéaires, sont interdites au niveau des zones protégées et des sites écologiques sensibles». Et puis l'article 16 stipule clairement et sans ambiguïté que «sont interdites, les voies carrossables nouvelles sur les dunes littorales, les cordons dunaires côtiers et les parties supérieures des plages» et que si exception il y a, «elle doit être est précisée par voie réglementaire». Il est regrettable de constater que ce sont une fois de plus les pouvoirs publics qui donnent le mauvais exemple.