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Faiblesses et défis du management des entreprises aujourd'hui
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Publié dans El Watan le 04 - 04 - 2011

«The emergence of management has converted knowledge from a social ornament and luxury into the true capital of an economy » (Peter Drucker, The New Realities).
«Management is, in the end, the most creative of all arts, for its medium is human talent itself. (…) As paradoxical as it may sound, the real threat to democracy comes from «under-management», not from
over-management » (Mc Namara, ancien Vice-Président des USA).
Introduction
Ces deux épitaphes à elles seules résument la situation dans laquelle se trouvent les entreprises aujourd'hui, qu'elles soient publiques ou privées, à but lucratif ou non lucratif, productrices de biens ou de services comme les hôpitaux, universités, etc.). La première épitaphe souligne que le management n'est pas un luxe mais constitue de nos jours le véritable capital de l'entreprise en particulier et de l'économie en général.
La seconde épitaphe souligne deux faits : (1) le management n'est pas une affaire de « moyens » mais avant tout d'hommes et (2) la vraie menace des économies modernes est constituée par le «sous-management»--les insuffisances de gestion-- et non le «sur-management»--la sur-organisation et un management arrivé à son paroxysme. Le présent article n'a pas pour objectif de traiter des problèmes conjoncturels auxquels les entreprises sont confrontées aujourd'hui et qui peuvent se résumer en trois catégories que j'appelle les trois «F» (Financier, Foncier, Formation), mais de la question plus structurelle et stratégique du «sous-management» qui se manifeste par une série de faiblesses endémiques qui constituent les défis des entreprises aujourd'hui et que nous examinons ci-après.
Faiblesse n° 1 : Culture, Stratégie et Alliage Culture-Stratégie
Un des problèmes majeurs des entreprises aujourd'hui est l'absence d'une culture, d'une stratégie et surtout d'un alliage entre culture et stratégie. La culture d'une entreprise, selon Craig R. Hickman et Michael A. Silva, est la façon particulière dont nous travaillons. Cependant, ajoutent les auteurs, une culture forte et performante va au-delà de la simple façon de travailler. C'est aussi la combinaison de trois éléments : (1) l'engagement collectif à fournir un service de haute qualité à la clientèle, (2) la forte compétence à développer des relations exceptionnelles avec la clientèle et (3) la volonté de perpétuer l'engagement et la compétence en recrutant et en conservant un personnel motivé par le service et la relation personnelle. Or, lorsqu'on regarde les entreprises aujourd'hui en Algérie, celles qui ont une culture ainsi définie se comptent sur les doigts de la main. Le terme stratégie, quant à lui, emprunté au langage militaire, est défini, selon le Concise Oxford Dictionary, comme la «Generalship», c'est-à-dire l'art de la guerre ou encore le management d'une ou plusieurs armées. Mais c'est Alfred D. Chandler qui, pour la première fois en 1962, dans son ouvrage «Strategy and Structure», utilisera ce terme, repris plus tard en 1980 par Michael Porter dans son livre «Competitive Strategies». Selon ces auteurs, la stratégie consiste à construire l'avenir en s'appuyant sur l'analyse du passé et du présent. Toujours selon ces auteurs, la stratégie d'entreprise comporte trois éléments : (1) satisfaire les besoins des clients, (2) construire un avantage comparatif sur la concurrence, et (3) capitaliser sur les points forts de l'entreprise. Comme dans le cas de la culture, on peut se poser la question : combien d'entreprises en Algérie ont une stratégie aujourd'hui ? Très peu. Et sur les quelques entreprises qui ont une culture et une stratégie, très peu ont essayé de faire le lien entre les culture et stratégie. En effet, la culture—qui met l'accent notamment sur les besoins des clients et la motivation du personnel—est mise en œuvre par la stratégie qui, elle aussi, vise à la satisfaction des clients et le renforcement des compétences au sein de l'entreprise. Il est donc temps que nos entreprises intègrent ces trois éléments du management moderne.
Faiblesse n° 2 : Théorie (X) versus Théorie (Y)
Les entreprises algériennes appliquent la théorie (X) plutôt que la théorie (Y) telles que celles-ci ont été développées par Mc Grégor. La théorie (X), qui part du postulat que le travailleur n'est pas motivé par son travail, qu'il n'a pas la conscience et la responsabilité au travail et qu'il est même porté à être « fainéant » par nature, propose que le travailleur soit guidé par des mesures plutôt autoritaires qui le pousseraient à faire plus et mieux. La théorie Y considère, au contraire, que le travailleur est conscient de sa responsabilité et qu'il n'a pas d'aversion naturelle au travail. Il suffit seulement de le motiver pour qu'il soit plus productif et plus performant, sans avoir à utiliser des mesures punitives ou préventives. Cette théorie, qui est de plus en plus utilisée par les grandes entreprises au niveau mondial, est malheureusement rejetée par les entreprises algériennes sous prétexte qu'elle est trop « molle » et trop laxiste et qu'elle transfère le « pouvoir » des entreprises vers les travailleurs. Il faudrait donc que les entreprises algériennes connaissent les avantages de la théorie (Y) et l'essaient avant de la condamner.
Faiblesse n° 3 : « Curateurs » versus « Innovateurs »
Les entreprises algériennes—encore une fois pas toutes mais la grande majorité d'entre elles—sont, pour reprendre les termes de Charles Garfield dans son ouvrage « Peak Performers » (les entrepreneurs les plus performants), des « consolidateurs » et non des « innovateurs » ou encore, selon Howard H. Stevenson et David E. Gumper dans leur ouvrage «The Heart of Entrepreneurship » des « curateurs » et non des « promoteurs ». Un « consolidateur/curateur » est celui qui ne fait qu'améliorer ce qu'il sait déjà sans changer les choses. Un « innovateur/promoteur » est celui qui est capable de rechercher des opportunités nouvelles et qui n'hésite pas à changer l'état des choses si nécessaire pour réaliser ses objectifs. Pour devenir des innovateurs et des promoteurs, les entrepreneurs algériens doivent appliquer ce que Joseph Schumpeter appelle de la «creative distruction», c'est-à-dire «déconstruire l'ordre présent en apportant les changements nécessaires. Cependant, connaissant leur «résistance» au changement, il est difficile de savoir s'ils prendront le taureau par les cornes et créer de changement de mentalité.
Faiblesse n° 4 : «Tree management» versus «forest management»

Les entreprises algériennes appliquent le «tree management», management à partir de l'arbre—plutôt que le «forest management» — management à partir de la forêt. Le «tree management» consiste à s'intéresser aux détails de la gestion et à oublier la grosse image, la vision globale de l'entreprise. Le «forest management» consiste, à l'inverse, à avoir une macro-vision de l'entreprise et ensuite à convertir cette vision en actions et en opérations. Les entreprises aujourd'hui privilégient le premier type de management –ils préfèrent régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils se posent et donc appliquent ce que j'appelle la politique du «pompier» plutôt que le second type de management qui élabore une vision globale et prend ensuite les mesures nécessaires pour réaliser cette vision. Pour que les entreprises algériennes soient plus performantes, il faut qu'elles dessinent d'abord le script du film avant de dérouler ses différentes scènes.
Faiblesse n° 5 : Centralisation versus Délégation
Les entrepreneurs algériens ne délèguent pas leur pouvoir de décision et de contrôle. Ils pensent qu'en faisant cela, ils perdent leur autorité et leur pouvoir de contrôle sur les niveaux inférieurs de l'entreprise. Ils considèrent qu'ils sont indispensables et que sans leur intervention à tous les niveaux, tout l'édifice s'écroulerait. Ceci est en quelque sorte la résultante de l'application de la théorie (X) de Mc Grégor évoquée ci-dessus. Ce type de management est possible lorsque l'entreprise est de petite dimension (1 à 20 employés). Cependant, lorsque l'entreprise atteint une certaine échelle, vouloir tout contrôler soi-même a souvent pour résultat de rien contrôler du tout. Pour que l'entreprise aujourd'hui puisse être efficiente et performante, il faut que le «top management» apprenne à faire confiance au «middle» et au «bottom management».
Faiblesse n° 6 : Le changement, un «risque» et non une «opportunité»
Il est de notoriété publique que les entreprises algériennes—dans leur grande majorité—sont résistantes au changement, que ce changement vienne de l'intérieur ou de l'extérieur. Pour elles, le changement est un «risque » et non une «opportunité». Le résultat est qu'elles préfèrent souvent le statu quo, c'est-à-dire ce qu'elles savent déjà et ne cherchent pas à découvrir ce qui peut constituer une opportunité d'affaire. Pour devenir performants, les entrepreneurs algériens doivent apprendre à intérioriser et internaliser le changement. Pour ce faire, il faut acquérir, selon Charles Garfield, quatre qualités indispensables : (1) se considérer constamment comme «étudiant», c'est-à-dire être toujours en quête d'informations et de formation), (2) escompter la réussite (avoir un esprit optimiste), (3) se forger des alternatives, et (4) avoir le courage de corriger son projet initial.
Faiblesse n° 7 : Résolution des problèmes versus saisie des opportunités
Les entreprises algériennes passent la plus grande partie de leur temps à résoudre les problèmes qu'elles rencontrent quotidiennement et oublient de prendre en compte les opportunités qui s'offrent à elles. C'est précisément parce qu'elles passent tout leur temps dans la gestion et la résolution des opérations courantes qu'elles ne trouvent pas le temps de regarder au-delà et de rechercher et saisir les opportunités qui peuvent s'offrir à elles et qu'elles peuvent perdent. Nous ne disons pas que la résolution des problèmes quotidiens n'est pas importante. Nous disons seulement que si une entreprise veut survivre et se développer dans le moyen-long terme, il faut aussi qu'elle ait une vision plus large et qu'elle ne laisse pas aux concurrents des opportunités qu'elle peut exploiter elle-même.
Faiblesse n° 8 : Les entrepreneurs n'écoutent pas ceux qui sont en dessous d'eux
Les entrepreneurs algériens sont sourds à tout ce qui vient de leurs collaborateurs et subordonnés (préoccupations, propositions, idées neuves, etc.). Ils ne posent pas les questions suivantes à leurs collaborateurs : (1) Que pensez-vous de ce que fait l'entreprise aujourd'hui, de sa politique, sa direction, sa position dans l'industrie, sa technologie, sa place sur le marché, etc.?; (2) Que proposez-vous—quels produits, services, marchés, promotion, etc—pour améliorer les choses ?. Ils pensent qu'en posant ces questions, ils se déchargent sur les autres de la responsabilité qui est la leur. Même les entreprises qui tiennent des réunions régulières ne prennent pas toujours en considération les propositions et les idées de leurs collaborateurs. Le résultat est que les décisions prises par le «top management» sont souvent prises sans connaitre la réalité sur le terrain. Pour que les décisions prises soient en conformité avec le terrain, il faut que les entreprises apprennent à écouter ceux qui sont proches du terrain.
Faiblesse n° 9 : Croissance versus Obésité
Les entreprises algériennes confondent «croissance» et «obésité» ou encore «développement sain» et «cellulite». Elles considèrent que grande taille rime avec bonne santé et efficacité, «comme si la taille de l'éléphant le rend plus efficace que l'abeille» (Peter Druckr). Elles oublient que, au-delà d'une certaine taille, on se charge de cellulite et que celle-ci peut se transformer en cancer et donc détruire le tissu même qui constitue l'entreprise. C'est ce que les économistes appellent aussi «diseconomies of scale» (déséconomies d'échelles). Lorsqu'une entreprise est atteinte d'obésité et accumule de la cellulite, il faut qu'elle s'en débarrasse sous peine d'être malade, voire même d'en mourir. La leçon à tirer est donc que l'entreprise doit chercher une croissance saine et éviter la cellulite et le cancer, ce dernier pouvant nécessiter, dans certains cas, une ablation, c'est-à-dire la disparition de l'entreprise.
Faiblesse n° 10 : Non définition des «priorités» et des «postériorités»
Les entreprises algériennes ne définissent pas les priorités et les postériorités. Celles qui établissent des priorités—les taches à entreprendre d'abord—oublient souvent de définir des postériorités—les taches et activités à ne pas prendre en compte ou à abandonner. Peter Drucker, le gourou du management, a exprimé ce défaut de la manière suivante : «The reason why so few executives concentrate is the difficulty of setting « posteriorities»--that is deciding what tasks not to tackle—and of sticking to the decision» (Peter Drucker, The Executive). Selon Drucker, les entreprises ne donnent pas beaucoup d'importance aux postériorités et ont des problèmes à s'en tenir aux décisions prises. Il faut donc que les entreprises apprennent à définir aussi bien les choses qu'elles considèrent comme prioritaires que celles qui sont non prioritaires.
Faiblesse n° 11 : La myopie marketing
Les entreprises algériennes sont victimes de ce que Théodore Levitt, dans son fameux article dans la Harvard Business Review, July-August 1960, appelle « marketing myopia » (la myopie marketing), c'est-à-dire qu'elles restreignent leur activité et leur champ d'action à leur domaine étroit de spécialisation. Cette myopie fait qu'elles ne considèrent que ce qu'elles connaissent bien et oublient ce qu'elles peuvent gagner ou perdre du fait de certaines industries connexes. Exemple : les entreprises textiles considèrent que leur domaine inclut uniquement les textiles traditionnels, oubliant qu'elles sont affectées par des industries liées telles que l'industrie chimique et pétrochimique (fibres synthétiques, industrie de la teinturerie, confection, prêt-à-porter, industrie de la mode, etc.). Ce faisant, les entreprises textiles perdent toutes les opportunités de production et de marketing qui proviennent de ces industries liées. Il est donc important que les entreprises algériennes aient les deux yeux ouverts sur les industries connexes et élargissent leur champ d'action.
Faiblesse no 12 : Approche «Vente» versus Approche «Marketing»
Les entreprises algériennes privilégient l'approche «Vente» (selling approach) par rapport à l'approche «Marketing» (Marketing approach). L'approche vente consiste à se préoccuper des besoins du vendeur (donc de l'entreprise). L'approche marketing, à l'inverse, se préoccupe des besoins des clients. Selon l'approche vente, on demande au vendeur (à l'entreprise) de se débarrasser des produits le plus possible. Au contraire, selon l'approche marketing, on part des besoins des consommateurs et on fabrique/vent les produits que les consommateurs demandent et non les produits que l'entreprise propose. Dans l'approche vente, on investit dans la production et la R et D et on néglige le marketing qu'on considère comme un élément résiduel. En d'autres termes, les entreprises algériennes sont « seller-oriented (orientés vendeur) au lieu d'être «customer-oriented» (orientés vers le consommateur). Il faut donc que les entreprises algériennes renversent cette tendance et considèrent la satisfaction du client comme leur préoccupation majeure.
Faiblesse n° 13 : Absence d'orientation vers les résultats
Les entreprises algériennes ne sont pas «result-oriented» (orientées vers les résultats). Elles mesurent ce qui est fait, sont satisfaites par ce qui est réalisé et ne se préoccupent pas de ce qui reste à faire et de ce qu'elles sont encore capables de faire. Quand bien même elles se soucient des résultats, elles considèrent que le volume ou le montant des ventes est un indicateur suffisant des résultats, oubliant que le résultat est une valeur ajoutée (le profit) ou un manque à gagner après que les frais de tous genres aient été déduits du chiffre d'affaires. Par exemple, les entreprises ne posent pas à leurs cadres les questions : (1) Quelle est votre contribution aujourd'hui à l'entreprise ? ; (2) Quels sont les objectifs que vous devez réaliser cette année et les années suivantes ? ; (3) Qu'avez-vous apporté ces deux ou trois dernières années qui ait changé le cours de l'entreprise ?. Si on n'incite pas les travailleurs à se poser eux-mêmes ces questions, ils n'iront pas d'eux-mêmes vers la direction souhaitée par l'entreprise et se sentiront mêmes insatisfaits et non motivés.
Faiblesse n° 14 : Non orientation vers les «Ressources Humaines»
Les entreprises algériennes n'accordent pas l'importance qu'il faut aux ressources humaines. Pour beaucoup d'entre elles, les ressources les plus importantes restent les ressources financières et matérielles (équipements, matières premières, etc.). En conséquence, elles n'investissent pas dans la formation et la sélection des ressources humaines qui sont, en fin de compte, celles qui créent les autres ressources. Elles dépensent des millions sinon des milliards dans l'acquisition des ressources matérielles et financières mais quand on leur demande d'investir dans le recrutement et la formation de leur personnel, elles sont hésitantes et résistantes. Les entreprises algériennes doivent donc changer de priorité et considérer la ressource humaine comme la ressource des ressources.
Faiblesse no 15 : Absence d'esprit d'équipe
Les entreprises algériennes n'ont pas le sens de ce qu'on appelle le « team working » (travail en équipe). Leurs managers sont des « individualistes » qui ne croient qu'en leur performance propre. Ils considèrent la contribution des autres non comme une «opportunité» mais comme une «menace». Chaque direction ou département se considère comme une république autonome et engage très peu de relations avec les autres directions et départements. Cette absence d'esprit d'équipe a pour résultat des pertes énormes d'opportunités d'affaires et un manque de motivation et de stimulation des différentes composantes humaines de l'entreprise. Il faut donc que les managers sortent du sentiment qu'ils ont d'être «indispensables» pour puiser dans le gisement des autres afin de donner un sens même au mot «entreprise».
Faiblesse n° 16 : «Marketing interne » versus «Marketing externe»
Les entreprises algériennes ignorent totalement le «Marketing interne», c'est-à-dire la motivation de leur personnel. Elles ne connaissent souvent que le «Marketing externe », c'est-à-dire les actions pour satisfaire les clients. Elles ne savent pas que le marketing interne doit être un élément de renforcement du Marketing externe. Peter Drucker a souligné l'importance du Marketing interne par ceci : «Everyone in the company must think marketing» (tout le monde au sein de l'entreprise doit penser marketing). Pour réaliser l'objectif du marketing externe—la satisfaction des clients—il faut que les entreprises utilisent le marketing interne qui passe par la motivation du personnel et la création d'une culture orientée vers le client.
Faiblesse n° 17 : Approche macro versus approche micro
Les entreprises algériennes ont, soit une approche macro, soit une approche micro de leur fonctionnement et développement. L'approche macro consiste à avoir une vue d'ensemble de l'entreprise sans s'attacher aux détails. L'approche micro, à l'inverse, consiste à regarder surtout les détails et à oublier l'image d'ensemble et le caractère global de l'entreprise. La réalité est que l'entreprise a besoin d'avoir ces deux approches en même temps : une vision globale de ce qu'elle est et de ce qu'elle deviendra, et une connaissance des actions à mener quotidiennement pour mettre en œuvre cette vision. Il faut donc que les entreprises considèrent que l'approche macro et micro sont deux facettes de la même pièce de monnaie et que c'est le « feeding back process » (le va-et-vient) entre les deux qui permet à l'entreprise d'aller dans le sens où elle le souhaite.
Faiblesse n° 18 : Management sédentaire versus management baladeur
Le management sédentaire consiste pour les dirigeants d'entreprises à rester dans leurs bureaux et à vouloir tout contrôler à partir de leurs bureaux. Le management baladeur (moving management), au contraire, consiste à sortir du bureau et à se « balader » dans les services de l'entreprise et sur le terrain (chantiers, projets, etc.) afin de s'enquérir des préoccupations et à écouter les propositions des collaborateurs proches du terrain. David Ogily, le PDG de l'entreprise américaine de même nom, donne ce conseil aux chefs d'entreprises : «Do not call people to your office, this frightens them. Go to their offices» (N'appelez pas les gens dans votre bureau, cela les effraies, allez plutôt vers leur bureau). Ogily ajoute «Un chef d'entreprise qui ne se balade pas dans son entreprise se transforme en ermite et s'isole de son personnel».
Faiblesse n° 19 : Vision nationale versus vision internationale
Il est très connu que la plupart des entreprises algériennes ont une vision nationale et non une vision internationale et globale de leur entreprise. La vision nationale consiste à ne s'occuper que des opportunités d'affaires et des menaces existant à l'intérieur des frontières nationales. La vision internationale (ou globale), au contraire, consiste à rechercher et à saisir les opportunités qui peuvent provenir de l'extérieur et à mesurer les menaces qui peuvent venir de l‘environnement international. Très peu d'entreprises algériennes, par exemple, essaient de pénétrer le marché extérieur et de développer les exportations au moins dans les pays voisins ou les plus proches. Le résultat est un manque à gagner non négligeable et une sensibilité particulière aux changements qui interviennent sur la scène internationale. Les entreprises doivent donc élargir leur champ de vision et d'action pour voir au-delà des frontières nationales.
Faiblesse n° 20 : Court terme versus long terme
L'horizon temporel d'action des entreprises algériennes se réduit à une échelle de 3 à 5 ans. Au-delà, disent-elles, c'est l'au-delà, c'est l'inconnu, extrapolant quelque peu la fameuse phrase de l'économiste anglais John Meynard Keynes qui dit : « In the long run, we will all be dead » (dans le long terme, nous serons tous morts). Si ces deux vues peuvent être considérées comme deux extrêmes sur la ligne du temps, on peut tout de même raisonner dans le moyen terme (5 à 15 ans) et faire des estimations réalistes de ce que l'entreprise peut et veut devenir dans ce laps de temps. Malheureusement, très peu d'entreprises en Algérie ont une idée de ce qu'elles veulent devenir dans 10 à 15 ans, des opportunités qu'elles peuvent saisir et des menaces auxquelles elles pourraient faire face. Il est donc temps que les entreprises algériennes apprennent à estimer le moyen terme si elles veulent survivre dans le contexte national et international changeant des temps modernes.
Conclusion
Si les entreprises algériennes veulent que les «maladies» endémiques dont elles sont atteintes aujourd'hui ne se transforment pas en cancer incurable demain, elles doivent : (1) connaitre et reconnaître ces maladies, même si elles doivent faire appel à des «médecins spécialistes du management» pour les aider à les diagnostiquer et les analyser, (2) avoir le courage de soigner ces maladies pour qu'elles ne deviennent pas intraitables dans un avenir plus ou moins lointain. Ce changement d'attitude, me dira-t-on, est difficile à opérer tant la mentalité de statu quo et de résistance au changement est encrée dans l'esprit de nos entreprises. Il ne reste pas moins que c'est là le prix à payer pour leur survie. Nos managers sont-ils prêts à relever ce défi ? Seul le temps nous le dira.
Dr Arezki Ighemat. Professeur d'économie et de marketing.
Master of Arts in Francophone Literature.
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