Grosse déception au chapitre audiovisuel : les Algériens vont devoir se «farcir» la triste grille de l'ENTV avec ses clones pour un bon moment encore. Des contenus moroses taillés dans la pire langue de bois, avec l'argent du contribuable en prime. Pas de chaînes privées en vue donc. C'est le verdict annoncé par le président Bouteflika hier dans son discours, qui aura tout de même la munificence de concéder aux téléspectateurs DZ la possibilité de voir le champ audiovisuel national enrichi de nouvelles chaînes thématiques. Il faut dire que Abdelaziz Bouteflika n'a jamais fait mystère de sa doctrine sur le sujet, allant même jusqu'à marteler qu'il était le «rédacteur en chef» de la Télévision et de l'APS, et que jamais il ne permettrait que le secteur audiovisuel connaisse la «pagaille joyeuse» de la presse privée. «Je me dois de vous rappeler que les médias lourds, à savoir la Télévision et la Radio, représentent aussi la voix de l'Algérie dans le monde. Ce qui leur impose de contribuer à la consécration de l'identité et de l'unité nationales et, dans le même temps, de propager la culture et le divertissement. Mais ils sont surtout appelés à s'ouvrir aux différents courants de pensée politique, dans le respect des règles d'éthique qui régissent tout débat.» Ainsi, une simple exhortation à l'ouverture aux différents courants de pensée est prescrite, avant d'ajouter : «Afin d'élargir cette ouverture aux citoyens, à leurs représentants élus et aux différents partis présents sur la scène nationale, le paysage audiovisuel public sera renforcé par la création de chaînes thématiques spécialisées et ouvertes à toutes les opinions, dans leur diversité.» Au moment où les Algériens attendaient, comme de juste, un geste fort sur cette question précisément qui est tellement emblématique des avancées démocratiques d'une société, le chef de l'Etat verrouille tout et campe sur ses positions de toujours : l'ENTV, pas touche ! Et aucune chaîne concurrente, pas même une petite radio de quartier ne seront tolérées. Bouteflika daigne tout de même faire une concession à la profession en adoptant le principe de la dépénalisation du délit de presse : «La loi sur l'information, elle, introduira les repères d'une charte déontologique et complètera la législation actuelle, notamment à travers la dépénalisation du délit de presse», décrète-t-il. Une concession vite gâchée par cette obsession de vouloir quadriller le champ médiatique de bout en bout. De fait, là où dans les pays à forte tradition démocratique, c'est la corporation qui a coutume de s'autoréglementer en se dotant elle-même d'une charte d'éthique et de déontologie, sous nos latitudes, c'est le pouvoir qui fixe par le haut une telle charte. Avec une mentalité de «chaperon», on l'aura compris…