L'Entv annonce, dans un communiqué rendu public hier, le lancement officiel à « titre expérimental », à partir de demain mercredi de deux nouvelles chaînes ; la première émettant en langue amazighe dans ses différentes variantes kabyle, targuie, chenoui et mozabite. La seconde d'essence religieuse. Ces deux chaînes sont programmées pour émettre six heures par jour. La direction de l'Entv précise, dans son communiqué, que le « lancement de ces nouvelles chaînes entre dans le cadre du développement du secteur audiovisuel national, tel que décidé par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika ». Cette initiative, qui intervient du point de vue du timing à quelques jours de l'ouverture de la campagne électorale pour l'élection présidentielle dans laquelle le président sortant est candidat à sa propre succession, répond-elle aux exigences d'ouverture du champ audiovisuel qui passent nécessairement par la fin du monopole de l'Etat sur l'audiovisuel tel que réclamé à cor et à cri par l'opposition et toutes les voix qui militent pour rompre avec le système de la pensée unique ? Tout le monde l'aura compris : ces deux nouveaux-nés in vitro de l'Entv s'inscrivent dans le même moule que les autres canaux – le terme est plus juste – dont s'était « enrichie » la Télévision nationale avec le lancement de Canal Algérie et de la A3. Il ne s'agit de rien d'autre que de mini-chaînes maison qui se nourrissent des mêmes programmes et obéissent aux mêmes orientations politiques que celles auxquelles est soumise l'entreprise mère. Qu'y a-t-il de changé dans le champ de l'audiovisuel depuis la mise en service de ces deux chaînes et que faudrait-il attendre de ce nouvel effet d'annonce qui ressemble en cette conjoncture électorale particulière à une opération de séduction de deux gisements électoraux d'importance – l'électorat kabyle et islamiste – qui échappent au pouvoir ? Le rush des Algériens sur les chaînes satellitaires étrangères est la meilleure réponse quant à l'audience de la chaîne de télévision nationale, qui fait tout pour faire fuir le téléspectateur algérien vers ces chaînes en quête de programmes télévisuels et informationnels qui répondent à leurs attentes. Le pouvoir a toujours été rétif et viscéralement opposé à l'ouverture du champ audiovisuel. Il a été tellement échaudé par l'expérience de la presse privée qu'il n'est pas prêt à récidiver avec le secteur de l'audiovisuel, dont l'impact sur l'opinion est incommensurable dans une société où la télévision qui pénètre tous les foyers est le premier faiseur d'opinions et le meilleur allié du système. Ceci est d'autant plus vrai que l'on a vu l'effet déstabilisateur qu'avait provoqué une toute petite chaîne de télévision comme Khalifa TV lors de la dernière élection présidentielle, laquelle avait fait exploser l'audimat parce qu'elle véhiculait un autre discours et une ligne éditoriale critique par rapport à la très officielle chaîne de télévision nationale. Il paraît, à en croire des déclarations de certains hauts responsables, que les Algériens ne sont pas encore assez mûrs pour s'offrir le luxe de télévisions privées. Ils le sont pour avoir une presse écrite pluraliste, un pluralisme syndical, des partis politiques mais pas pour avoir le libre arbitre de choisir entre plusieurs chaînes publiques et privées, celles qui répondent le mieux à leurs aspirations.