Maisons de jeunes, salles de sport et autres structures destinées aux jeunes fonctionnent, - si elles fonctionnent-, avec des moyens complètement dépassés, outre un manque flagrant d'encadrement spécialisé. La vingtaine de personnes que nous avons rencontrées à Khenchela étaient toutes unanimes à déclarer que le secteur de la jeunesse et des sports est plutôt décadent, pour ne pas dire moribond, dans cette région, en dépit d'un nombre impressionnant de structures et des sommes colossales qui y ont été consacrées par l'Etat. Certaines sources accusent le directeur de la jeunesse et sports (DJS) d'avoir écarté arbitrairement plusieurs cadres et agents méritants, tous père de famille, les réduisant, pour certains, «à vendre des oignons», pour les remplacer par des ouvriers spécialisés (OP), n'ayant rien à voir avec le domaine. A titre d'exemple, un éducateur spécialisé, anciennement directeur de la maison de jeunes Slimani Omar (cité Benboulaïd), qui a eu des démêlés avec la justice suite au cambriolage en 2004 de la structure susnommée, accuse le DJS d'avoir exploité cette situation pour le suspendre, puis le licencier sans passer par la procédure légale, alors que sa relation au travail était en cours. Selon ce cadre, ce responsable a eu recours à des documents antidatés pour ne pas le réintégrer alors qu'il a été totalement blanchi par la justice. Questionné à ce propos, le responsable du secteur, Smaïl Benboukhrissa, répondra qu'il ne peut se prononcer sur des affaires en justice. Dans le souci de vérifier par nous-mêmes ce que certains disent à propos des infrastructures pour jeunes, nous avons visité quelques maisons de jeunes et salles de sport. Pour certaines, elles donnent l'impression d'être réellement abandonnées, à l'instar du complexe sportif de proximité (CSP) Ahmed Azizi, situé en plein centre de Khenchela. Mis à part la présence de cinq ouvriers professionnels (OP), qui font office de gardiens et d'agents de nettoiement, les lieux sont déserts. La bâtisse est envahie par les mauvaises herbes et autres détritus. L'aire de jeux ne répond pas aux normes, nous dit-on; les toboggan ont été réalisés par un simple ferronnier qui y a laissé des malfaçons, lesquelles, aux dires de nos hôtes, pourraient occasionner des blessures aux enfants. La piscine n'est plus qu'un grand bassin poussiéreux et vide. Le court de tennis a cessé toute activité. Seule une salle de karaté, récupérée par une association, accueille deux groupes de jeunes. L'encadrement fait défaut Nous n'avons pu que constater le gâchis, car l'endroit aurait pu, pourrait faire le bonheur de centaines de jeunes désoeuvrés, avec ses grands espaces verts et ombragés. A cela, le DJS nous dira que le CSP en question ne dépendait plus de son secteur, mais de celui de l'éducation. Les mauvaises langues disent que le blocage des salles étatiques, lesquelles offrent gratuitement des loisirs aux jeunes, arrange bien les propriétaires de salles de sport privées, qui récupèrent ainsi une clientèle payante. Nous nous sommes ensuite dirigés vers la maison de jeunes Bekhakhcha Mohamed, implantée à Boudjelbana, l'un des quartiers les plus pauvres de Khenchela. Le lieu est loin de respirer la prospérité. Nous le qualifierions de lugubre même, avec ses murs dégarnis, talochés à la hâte, et un mobilier des plus vétustes. Le directeur intérimaire, un jeune homme à la mine lasse, nous dira que l'endroit accueille quelques activités mineures, tout en offrant « un emploi» à trois jeunes femmes dans le cadre du filet social pour…3000 DA/mois. «Nous avons une petite troupe constituée de huit musiciens, quelques jeunes filles qui font de la broderie traditionnelle, en plus des amateurs de jeux d'échecs ou de ping-pong qui viennent faire des parties en fin d'après-midi», explique-t-il. Et d'ajouter: «Je gère le tout avec circonspection, et parfois ça me dépasse, parce que c'est un quartier à problème, avec un taux élevé de jeunes chômeurs. Leurs besoins sont trop importants pour les moyens dont nous disposons.» Prochaine étape: la salle omnisports Mohamed Reddah, dit Mohamed El Bachir, dans la daïra de Kaïs.Tout y est flambant neuf. L'on nous dira sur place que l'infrastructure compte plus de 200 adhérents dont ceux issus de Faïs et R'mila, pratiquant le football, le hand-ball, le basket-ball, la musculation et l'aérobic. Cet immense complexe sera également doté d'une piscine, dont les travaux sont en cours, nous dira l'OP en l'absence du directeur. Le problème d'encadrement semble se poser partout. Cette belle réalisation souffre d'un déficit en éducateurs spécialisés. Un seul technicien en sport y est affecté, aux côtés de quelques agents de sécurité et d'un psychologue dépêché par l'Anem. Plus aberrant: cette infrastructure d'envergure n'a pas de médecin. Le DJS nous fera voir une vidéo, montrant l'état dégradé de la bâtisse avant sa rénovation. Il est clair que des édifices de ce genre existent partout dans la wilaya du cèdre, mais a priori sans l'élément humain dynamique pour y insuffler une âme. «Il n'y a pas de cadres qualifiés à Khenchela; certains OP sont plus compétents que les cadres, et nous préférons les faire travailler car ce sont des autodidactes surdoués. En 2009 nous étions réduits à demander 75 postes budgétaires d'ailleurs, dont 13 seulement sont de Khenchela», a déploré le DJS. Pour lui, le manque d'activités notables provient de l'absence de compétences locales. D'autres structures laissent à désirer A El Hamma, la maison de jeunes M'rah Laâdjal donne l'impression d'avoir été oubliée. Comptant 280 adhérents, avec des activités comme la musique, l'informatique et autres loisirs, la structure manque cruellement de moyens pour évoluer. Le directeur, Ghoulem Mghiti, un très jeune homme, qui semble animé des meilleures intentions, relèvera pourtant la carence patente en équipements: «On prépare des festivités pour le 16 avril, et on n'a même pas de papier pour l'impression; à chaque fois on nous fait des promesses de nous aider, et il n'y a rien.» Questionné encore à ce sujet, le DJS nous fera cette réponse: «Ce n'est pas le directeur qui vous a parlé, d'ailleurs il est absent, il est en stage ; ils ont tout, mais ils ne veulent pas travailler, en plus ils n'ont jamais formulé de demande dans ce sens. » Une autre maison de jeunes, celle des Frères Zouaghi, à Kaïs, semble également tourner à 10% de sa capacité. Selon son responsable, Nacer Achika, «l'équipement, obsolète, ne répond plus aux besoins des jeunes, dont certains sont hyperdoués». Cette structure abrite également d'indus occupants, selon nos hôtes. D'après leurs dires, c'est un espace en moins pour les jeunes, qui se retrouvent ainsi lésés. «Ces familles, nous dit-on, squattent toute une partie de l'édifice, empêchant les jeunes de s'adonner à leurs activités le soir». Le DJS nous dira que les personnes en question ont été mises en demeure de partir. Notre quête de lieux de loisirs pour les jeunes nous mènera au piémont des Aurès, à Aïn Silène, un site époustouflant de beauté, au charme à nul autre pareil, avec ses forêts de conifères, sa nature exubérante, sa source vivifiante qui se fraye un chemin de la montagne pour venir arroser cette vallée miraculeuse. Un éden qui surplombe la station thermale de Hammam Essalhine, abritant un camp de jeunes, dont la fonction a hélas été très longtemps gelée suite à une panne d'électricité ayant affecté le transformateur, selon les explications livrées par le DJS. Des personnes de Khenchela nous feront savoir que le projet d'un centre de regroupement pour les équipes nationales a été inscrit en 2004, pour être réalisé au niveau de ce camp, devant éviter à l'Etat d'envoyer les équipes s'entraîner en Tunisie ou en Suisse à coups de devises, mais que depuis, il traîne. Le DJS nous donnera encore les explications suivantes: «Le projet a été inscrit en 2006, et nous avons dû geler toute activité dans ce camp pendant quelque temps car nous ne pouvons faire courir à la population un risque de contamination par l'askarel, une huile cancérigène se trouvant dans le transfo. Mais nous avons lancé des travaux pour y rétablir l'électricité, avec également une étude pour y amener le gaz.»