La situation en Libye suscite les plus vives inquiétudes au plus haut niveau des institutions sécuritaires du pays. Légitime, l'Algérie partage une frontière d'un millier de kilomètres, désertée par les militaires libyens dès le début des événements. La crainte vient non seulement des phalanges d'Al Qaîda, qui ont trouvé un terrain propice pour renforcer leur force de frappe humaine et matérielle, mais également d'El Gueddafi, toujours imprévisible et capable des pires scénarios, mais aussi de l'après-El Gueddafi, avec un CNT dont les visées ne sont toujours pas claires. Aujourd'hui plus que jamais, avec une Tunisie affaiblie et une Libye en guerre, le flanc est du pays est dangereusement exposé, suscitant une mise en état d'alerte maximum des forces armées, et un redéploiement des unités de l'ANP et des gardes-frontières, alors qu'auparavant, les troupes étaient plutôt orientées vers les frontières avec le Mali, le Niger, la Mauritanie et le Maroc. Dès le déclenchement des événements, des colonnes entières de Maliens, Nigériens et Tchadiens se sont dirigées vers la Libye pour prêter main-forte à El Gueddafi, l'organisation terroriste Al Qaîda pour le Maghreb, dirigée par Abou Zeïd, réorientait ses troupes vers «le djihad» en Libye, alors qu'El Gueddafi ouvre les portes de ses armureries à la population. Les premiers à réagir sont les officiels tchadiens qui déclarent qu'une importante quantité de lance-missiles sol-air est désormais entre les mains des membres d'Al Qaîda. Les premières cargaisons introduites en Algérie sont interceptées par les militaires, alors qu'elles venaient de traverser la frontière. Mais sont-elles les seules ? On n'en sait rien. Ce qui est certain, c'est que la bande frontalière est impossible à contrôler au kilomètre près. En outre, il n'est pas exclu qu'El Gueddafi, dans sa folie meurtrière, puisse compliquer davantage la situation en bombardant les villes les plus proches de la frontière, suscitant la réaction de la coalition avec tous les dommages collatéraux que cela suppose. Un tel scénario n'est pas à exclure. A ce titre, une cellule de crise a été installée par les autorités sécuritaires et suit de très près les événements. Avec cette crise, l'Algérie se retrouve isolée. Toutes ses frontières sont devenues vulnérables : à l'Ouest, le conflit avec le Maroc n'est pas assaini et l'ouverture de la frontière n'est toujours pas à l'ordre du jour, alors qu'au Sud, ni le Mali ni le Niger n'ont les moyens financiers ou humains pour assurer la protection de la bande frontalière. Aujourd'hui, toute la bande est du pays est au rouge. Du côté tunisien, l'armée, qui n'a jamais quitté les casernes, se retrouve face à une situation qui la dépasse. En sous-effectif, sa présence tout au long de la frontière n'est que formelle. Pour leur part, la garde nationale et la police, secouées par la révolte populaire, se sont carrément retirées du terrain. Plus bas, la situation en Libye est explosive. Déserté par les militaires libyens, le millier de kilomètres est devenu une porte ouverte à tous les dangers, y compris celui induit par l'arrivée des forces étrangères et leur éventuelle installation dans la région. Un rêve que caresse certains pays engagés dans la coalition. Sur le plan intérieur, l'Algérie n'a toujours pas fini avec le terrorisme. Même circonscrites à des régions bien précises, les activités terroristes continuent à faire des victimes et à coûter financièrement en termes d'assurance (pour le marché algérien). Le tourisme saharien, pourvoyeur d'une économie propre et très rentable, n'arrive toujours pas à redémarrer du fait des enlèvements commis souvent, dans la majorité des cas, au-delà de la frontière algérienne, par des organisations terroristes qui ont trouvé une terre d'asile dans les pays du Sahel. Les dernières informations font état du retour de Libye de plusieurs Maliens, Nigériens et Libyens, puissamment armés et bien équipés. Autant d'indicateurs qui montrent que le pays est vraiment dans une situation extrêmement dangereuse qui appelle à une stratégie à la hauteur de la menace.