Perles, décolletés profonds, smokings et paparazzi sur le tapis rouge : c'est l'ambiance survoltée de la montée des marches où, comme chaque année, les stars croulent sous leurs bijoux. Cannes «the place to be», comme dirait le délégué général du Festival, Thierry Frémau. D'un côté, cette nuit particulièrement pour le film d'ouverture, une comédie romantique Midnight in Paris de Woody Allen : glamour et frénésie, de l'autre, à deux pas de la salle Lumière, dans la douceur du soir, émouvantes et joyeuses retrouvailles de la faune journalistique sur les marches de la salle Debussy. A peine éjectés de leurs TGV ou de leurs vols transcontinentaux, les quelque 5000 envoyés spéciaux des médias du monde entier, qui constituent une vraie famille à force de se retrouver ici sur la splendide Croisette de Cannes et à qui, aux uns et aux autres, Christine Aimé, la talentueuse responsable de la presse du Festival, s'adresse comme une amie, tutoiements et embrassades, entament le marathon des séances de presse. Gilles Jacob, le président du Festival et Thierry Frémaux ont reçu 1700 films cette année de 40 pays. Ils en ont choisi 54 pour les sélections officielles, dont 20 dans la prestigieuse compétition pour la Palme d'or que Robert de Niro, le président du jury, devra se lever tôt pour les voir... D'abord, les cinéastes les plus attendus, ceux qui ont mûri leurs œuvres pendant longtemps. Terence Malick avec The Tree of Life, une histoire qui se passe au Texas dans les années 1950, celle d'un homme joué par Sean Penn, face à un père très autoritaire et une mère très aimante, mais qui devra partager son amour avec d'autres frères. Aki Kaurismaki avec Le Havre, l'histoire d'un écrivain marginalisé devenu cireur de chaussures qui doit affronter, selon le cinéaste finlandais, la machine aveugle de l'Etat de droit occidental. Nanni Moretti, attendu à Cannes depuis cinq années, avec Habemus Papam, l'histoire de l'élection d'un nouveau pape au Vatican et les longs conciliabules pour trouver la bonne personne : c'est Michel Piccoli qui joue le rôle du pape désigné. Mais au moment de se montrer aux fidèles, il est pris de doute... Pedro Almodovar, qui a failli à plusieurs reprises décrocher la palme, avec La Piel Que Habito (La peau que j'habite), avec Antonio Banderas, une histoire de vengeance dans un milieu médical. Les Frères Dardenne avec Le gamin au vélo, histoire de Cyril un gosse belge de 12 ans placé dans un foyer pour enfants abandonnés et qui recherche son père. Il va rencontrer une femme qui le comprendra, l'aidera et lui offrira son amour, son affection. Ce n'est pas sa mère, elle lui vient en aide par humanité. Comment un individu peut trouver sur son chemin quelqu'un qui lui tend une perche. Les deux cinéastes belges sont très gâtés au Festival de Cannes, puisqu'ils ont décroché déjà deux Palmes d'or : Rosetta (1999) et L'Enfant (2005). Strass… Le cinéaste turc, Nuri Bilge Ceylan, revient cette année avec Once upon the time in Anatolia et la Japonaise Naomi Kawaze avec Hanezu No Tsuki, tourné dans la région d'Azuka, berceau de la culture japonaise sur le thème de la fierté des cultures d'origine, les valeurs ancestrales de l'attente (savoir patienter) face à la précipitation du monde moderne, l'histoire de ce qui est stable et de ce qui est éphémère. En compétition, des films du genre Samouraï comme le film Ichimei de Takashi Mike ou bien le polar Drive, de l'Américain Nicolas Winding, ou encore l'hommage au cinéma muet noir et blanc : The Artist, film français de Michel Hazanavicius. Sean Penn joue aussi le rôle d'une rock star dépressive, dans le film italien This must be the place de Paolo Sorrentino. La compétition cette année comprend aussi des films d'auteurs peu connus. Le film roumain La source des femmes, tourné au Maroc par Radu Mihaileanu sur la grève du sexe des femmes arabes fatiguées des corvées d'eau et qui exigent que les hommes fassent l'effort d'amener l'eau courante. Un premier film, Sleeping beauty, de l'Australienne Julia Leigh, sur une étudiante qui fait des petits jobs et qui qui se trouve engagée dans une histoire mystérieuse. Autre premier film, We need to talk about Kevin, de l'Anglaise Lynne Ramsay, avec la grande actrice Tilda Swinton. Le Festival de Cannes rend un grand hommage au «Printemps arabe». Sur la révolution en Tunisie, une séance spéciale pour le film Plus jamais peur, de Mourad Bencheikh, et un documentaire A l'ombre du baobab, de Mohamed Chalouf, en hommage à Tahar Chériaâ. Le shrot film corner présente aussi 6 nouveaux films tunisiens et un film algérien Maquillage de Abdelmalek Saïfi. Le gros morceau du cinéma arabe à Cannes, c'est l'Egypte avec un programme intitulé Thamantashar Youm (18 jours) : du 25 janvier au 11 février, dix réalisateurs, écrivains, techniciens égyptiens ont filmé la révolte, ce qu'ils ont vécu au Caire ou à Alexandrie, ce qu'ils ont vu et imaginé. Parmi eux : Shérif Arafa, Ahmad Abdallah, Marwan Hamed, Kamla Abou Zikri, Khaled Marei... Dans Cannes Classic projection de Al Bostagui (le Facteur) de Hussein Kamel (1968) et au Cinéma de la plage : Le Cri d'une fourmi, de Sameh Abdelaziz (2011). L'hommage à la révolution égyptienne se terminera par un grand concert du groupe Wast El Balad.