Plus de... 1 700 films ont été visionnés par le comité cannois de sélection pour arriver à cette short list de quelque 49 oeuvres en provenance des cinq continents. Le suspense a été levé, comme il est de tradition, dans l'imposante salle ronde du Grand Hôtel, aux dorures et aux cariatides d'époque de celles qui ont été les témoins du passage en ces lieux des Frères Lumières qui donnèrent à quelques pas de là, la première projection payante d'un film! C'était en décembre 1895... Et en 2011, les copies sont arrivées aux sélectionneurs, par bobines, certes, mais aussi en DVD, et progrès oblige, via Internet! Gilles Jacob l'Ancien et Thierry Frémaux l'Initié ont joué leur partition en parfaits duettistes. Jacob, sur le légendaire tapis rouge depuis 1977 a ouvert le bal en dressant un état des lieux de la cinématographie mondiale avant de laisser le micro à Frémaux, le délégué général, pour commenter la sélection qui fêtera cette année sa 64e édition. Une demi-heure après, il était mis fin aux rumeurs les plus folles qui bruissaient depuis des semaines et dont la plus tenace faisait état de «certaines pressions» du ministère de la Culture, voire de l'Elysée, afin d'écarter la «bombe» concoctée par Xavier Durringer La Conquête qui relate le lancement de la fusée «Sarkozy» en 2002 avant que cela ne se transforme en... pétard? Le scénario est de Patrick Rotman, l'auteur du formidable documentaire L'Ennemi intime, sur la torture durant la guerre de Libération nationale. Nul doute que l'actuel président de la France, va devoir se boucher les oreilles, pour s'éviter les quolibets et autres éclats de rire qui risquent de monter de la Croisette jusqu'aux bas des Champs- Elysées. Dans le rôle de Sarkozy, un Denis Podalydès survolté et confondant de similitude... la compagne de Rotman, Florence Pernel n'est pas en reste dans un numéro de haute voltige qui rappellera Cécilia Sarkozy à plus d'un... écart! La Conquête est certes hors-compétition, mais sûrement pas hors de propos. Bien des fois il vise dans le mille. D'ici qu'il s'invite aux débats de la prochaine campagne électorale pour la présidentielle 2012... Mais auparavant, Woody Allen aura joué au chauffeur de salle avec Midnight in Paris, avec en guest star, Carla Bruni Sarkozy... Par contre, l'incongruité sera la participation sous bannière... marocaine du film français La Source des Femmes de Radu Milhaileanu, qui a planté son décor, dans un petit village, «quelque part entre l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient» (sic), et où la tradition impose aux femmes d'aller chercher l'eau à la source, en haut de la montagne, sous un soleil de plomb. C'est alors que Leïla, une jeune mariée, suggèrera aux autres femmes de faire la grève de l'amour, jusqu'à ce que les mâles du coin se résolvent à accomplir aussi cette harassante tâche... Du côté arabe, la Libanaise Nadine Labaki, révélée à la Quinzaine des Réalisateurs, avec Caramel se rapproche du Palais en se glissant dans la section Un Certain regard avec son dernier-né Et maintenant, où on va? comme disait Mustapha Toumi «Rayha ouine?». En compétition, on retrouvera aussi Pedro Almodovar, qui avait pourtant déclaré ne pas vouloir venir à Cannes pour éviter que la fin de son film La Piel que habito ne soit éventée. Une incursion du maître de la légendaire movida espagnole dans le domaine du film d'épouvante... Parmi les «scandales» annoncés: Melancholia de Lars von Trier, Habemus Papam de Nanni Moretti, avec un Michel Piccoli papal qui sent le souffre... Sans nul doute, qu'il y aura aussi une bataille d'Hernani autour de Pater, le déroutant film de Alain Cavalier.... Parmi «les cinéastes qui ont la Carte», comme on dit à Cannes, les Frères Dardenne avec Le Gamin au vélo, Il était une fois en Anatolie du Turc Nuri Bilge Ceylan, This Must be the Place de Paolo Sorrentino. Et fait inédit, quatre films de femmes et un film en 3D, Ichimei de Takashi Miike seront proposés à l'appréciation du jury présidé par Robert de Niro. Mais pour les cinéphiles de tout bord, le voyage à Cannes sera aussi un rendez-vous longtemps attendu avec le maître Terrence Malick qui présentera (enfin!) Tree of Life, un film déjà attendu l'année dernière, en vain, car l'auteur des Moissons du Ciel avait refusé de couper dans les 3h20 déjà montées et mixées. Une année après, il cède et sera sur la Croisette avec une version de...2h18! Au total, 19 films seront en lice pour la course à la Palme d'Or. La carte «grand public» sera enrichie avec Pirates des Caraïbes: la fontaine de Jouvence, quatrième volet de la série, mais aussi avec The Beaver, avec Mel Gisbon de Jodie Foster. Quant aux «écartés», citons pêle-mêle, Gianni Amélio qui ne montrera pas son Premier Homme tourné en Algérie avec Jacques Gamblin dans la peau de Camus, ni Roshdy Zem avec Sami Bouadjila (dans la peau du jardinier marocain Omar Raddad), Mathieu Kassovitz et sa dernière oeuvre L'Ordre et la Morale, ce sera aussi le cas pour la révélation de Cannes 2010, le héros de Prophète, le talentueux Tahar Rahim qui ne sera donc pas du voyage, ni avec Des Hommes libres de Ismaël Ferroukhi, ni avec Love and Bruises du Chinois Lou Ye, tourné à Paris. Il n'y aura pas non plus les derniers Coppola, Cronenberg. Mais l'Egypte sera le pays invité, histoire de saluer le printemps arabe qui bourgeonna en Tunisie, un certain 14 janvier 2011 et d'avoir une pensée filmique pour Youssef Chahine qui avait filmé la révolte de la Place Tahrir, avant l'heure, dans Chaos...