Le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, n'a pas eu finalement la latitude de choisir lui-même les membres du staff qui auront à le seconder lors de ses rencontres avec les partis politiques. Abdelaziz Bouteflika a désigné, dimanche, Mohamed Touati et Mohamed Ali Boughazi, tous deux conseillers à la Présidence, pour l'épauler dans «l'organisation et le déroulement des consultations prévues sur les réformes politiques». Des réformes censées approfondir le processus démocratique et renforcer l'Etat de droit. C'est également la présidence de la République qui a annoncé la date du début des consultations (21 mai 2011, ndlr). Reste maintenant à connaître les raisons qui ont convaincu le président de la République de rappeler le général-major Mohamed Touati aux affaires (politiques s'entend) et de charger l'un de ses plus proches conseillers, Ali Boughazi en l'occurrence, de prêter main-forte au président du Sénat. Mais quoi que sont les raisons, le choix du général Touati est assez inattendu dans la mesure où il n'a jamais vraiment bénéficié, confient certaines sources du sérail, de la pleine confiance du chef de l'Etat. Cet état de fait lui aura d'ailleurs valu d'être mis à la retraite d'office au lendemain de l'arrivée de Bouteflika au pouvoir. Un sort similaire a été réservé à d'autres hauts gradés de l'armée, une institution dont Bouteflika voulait disait-on réduire l'influence. Inutile de dire que sa nomination (celle du général Touati) quelque temps après en qualité de conseiller à la sécurité au niveau de la présidence de la République a été perçue beaucoup plus comme une sorte de voie de garage. Les observateurs, qui connaissent très bien la manière d'opérer du chef de l'Etat, diront que Mohamed Touati a été plutôt «neutralisé». Partant de ce background, le «parachutage» dans l'équipe de Abdelkader Bensalah, du général Touati – qui est connu pour être avec deux autres généraux l'un des principaux concepteurs de la concorde nationale et même de la charte pour la réconciliation nationale – peut correspondre au souci de Bouteflika de donner plus d'épaisseur et de crédibilité à son projet de réforme politique, surtout que pour le moment le gros des partis de l'opposition apparaît pour le moins méfiant et critique à son égard. Cela sans oublier le fait que la désignation de Abdelkader Bensalah est encore loin de faire l'unanimité. L'injection d'un ancien militaire – dont on dit aussi qu'il est l'un des cerveaux les plus brillants de l'ANP (d'où d'ailleurs son surnom de mokh) – dans la commission de consultation de Bensalah peut aussi servir à donner l'illusion (ou à montrer) que l'armée soutient ce processus de réformes politiques, qu'elle est prête à en accepter les résultats et, pourquoi pas même, à veiller à ce que l'opération ne parte pas en vrille. Dans le cas contraire, la présence de Mohamed Touati dans une telle structure peut participer à rassurer l'armée concernant les intentions avouées ou non de Bouteflika. Cela bien entendu dans l'éventualité où la Présidence et l'armée ne seraient pas tout à fait sur la même longueur d'onde sur cette question précise des réformes politiques. Par leurs seules présences, MM. Touati et Boughazi réussiront-ils maintenant à convaincre les partis actuellement réticents à la démarche de réformes que veut initier le président de la République à se joindre aux discussions ? Difficile à dire. En tout cas, Mohamed Touati a eu l'occasion, en 1994 lors du dialogue national, de prouver sa connaissance du personnel politique algérien et ses qualités de négociateur. Des qualités qui peuvent bien l'aider, cette fois, à faire en sorte à ce que le pays négocie avec le moins de dommages possibles le passage à l'après-Bouteflika.