« Les unités des gardes-frontières ont été instruites pour durcir leur dispositif, procéder à des embuscades, faire preuve de plus de mobilité en n'hésitant pas à faire usage de leurs armes après les sommations légales », annonce un communiqué du commandement de la Gendarmerie nationale. A la lecture de ce communiqué, on est tenté de croire que ce corps de l'armée n'avait pas toutes ces prérogatives. Or, l'on sait que par le passé que ces mêmes éléments de sécurité ont fait usage de leurs armes pour appréhender ou dissuader des contrebandiers. L'année dernière, trois personnes jugées suspectes sur la bande frontalière ont été tuées et d'autres blessées sans pour autant que cette mesure de répression ait atténué l'activité des trafiquants dans l'extrême ouest du pays. Autant dire que la lutte contre les contrebandiers ne pourrait pas s'arrêter essentiellement à cette autorisation de faire usage d'armes. Pour les habitués du tronçon Maghnia-Marsat Ben M'hidi, pas moins de huit barrages permanents de la Gendarmerie nationale étaient implantés pendant près de deux années, sans compter les autres barrages mixtes régulièrement dressés entre Maghnia et Oran. Résultat : le trafic en tous genres sur cette partie ouest de l'Algérie n'avait jamais autant vécu une accentuation de l'« import-export » illégal des deux côtés de la frontière. D'ailleurs, même les statistiques de la Gendarmerie nationale constatent qu'en 2003 il y a eu une hausse de l'activité des contrebandiers de 98% par rapport à 2002. Autant dire que et c'est un secret de Polichinelle le trafic de la drogue, du carburant et autres produits ne peut être éradiqué, ou du moins atténué, tant qu'il existe une complicité à tous les niveaux sur cette bande frontalière et où des responsables et des barons de toutes sortes étalent leur fortune sans se cacher. Demandez à un riverain de vous parler des « secrets » de cette région, et il vous dira au détail près combien on paye pour faire passer du bétail, des matériaux de construction, du matériel agricole financé par le Fonds national d'aide à l'agriculture, des médicaments, du fromage, du Coca-Cola... et combien de clandestins, notamment les malheureux Subsahariens, traversent la frontière et à quel prix. Tout le monde sait que les frontières terrestres sont officiellement fermées depuis 1994, mais cela n'a pas stoppé ces déplacements quotidiens de familles mixtes en plein jour à raison de « 2000 DA la tête », comme on dit. C'est quand même curieux que les grandes prises de stupéfiants, « importés » du Maroc, ont été effectuées dans les wilayas limitrophes (Aïn Témouchent et Oran), rarement à Maghnia ou dans toute la wilaya de Tlemcen. Avec les moyens dont disposent nos services de sécurité, mais surtout une vigilance effective et accrue de ces mêmes services, les tentacules de la pieuvre qu'est la contrebande seront assurément coupées, sinon anesthésiées. Et ce, en dépit de la configuration géographique de la région et de la longueur de la frontière.