Le commandant suprême des forces alliées et commandant en chef des forces américaines en Europe, le général d'armée James L. Jones, qui clôt sa visite de deux jours en Algérie, a été reçu hier successivement par Abdelmalek Guenaïzia, ministre délégué auprès du ministre de la Défense, et par le général-major Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée. Accompagné d'une « importante » délégation, selon le communiqué officiel, James L. Jones a eu des entretiens avec M. Guenaïzia en présence du secrétaire général du MDN, du directeur des relations extérieures et de la coopération ainsi que du chef du département des approvisionnements du ministère de la Défense nationale. Le général américain a été reçu ensuite, en audience, par son homologue Ahmed Gaïd Salah au siège de l'état-major de l'armée en présence des chefs des départements centraux de l'état-major et du directeur des relations extérieures et de la coopération du MDN. Si le communiqué final sanctionnant les deux audiences s'est limité à souligner des entretiens sur « les relations de coopération militaire et le dialogue méditerranéen et autres perspectives de partenariat », il est en revanche aisé de deviner l'importance de ce tête-à-tête militaire algéro-américain, ne serait-ce qu'au regard des départements associés à ces entretiens. Bien que rien n'ait filtré sur la teneur exacte des discussions, aussi bien du côté des Tagarins que de l'ambassade des USA, la « taille » de la délégation américaine, mais surtout le prestige du général James L. Jones indiquent certaines pistes. C'est la deuxième fois que cet officier supérieur, qui dirige les fameuses EUCOM (forces alliées américano-européennes) basées à Stuttgart, en Allemagne, effectue une visite en Algérie cette année. En août dernier, James L. Jones était venu, accompagné d'un sénateur américain, pour superviser la libération des prisonniers marocains par le Front Polisario. Une initiative encouragée et parrainée par les Etats-Unis dans l'objectif évident de détendre quelque peu la tension entre le Maroc et l'Algérie dont les relations sont empoisonnées par le conflit sahraoui. Il y a donc ce souci des Américains de préserver la région des soubresauts liés à ce dossier encourageant les initiatives qui détendent l'atmosphère. Pour cause, les Etats-Unis souhaitent un Maghreb - de par sa position stratégique de porte du continent - pacifié qui leur permettrait de contenir la menace terroriste qui pourrait venir des pays du Sahel. Et en filigrane, c'est la traque cordonnée de l'organisation Al Qaîda qui est recherchée. Pacifier le Maghreb C'était l'un des l'objectifs stratégiques assignés aux manœuvres baptisées « Flintlock 2005 » menées sous la bannière US en juillet dernier par 800 GI et plus de 2000 soldats des pays de la sous-région du Sahel. Ces opérations, qui ont été menées y compris dans le désert algérien, visaient à « sécuriser les frontières des pays concernés contre l'infiltration terroriste ». Les USA semblent tenir à endiguer la menace terroriste d'où qu'elle vienne à plus forte raison à partir du Maghreb, c'est-à-dire du sud de l'Europe. Et avec sa double casquette - au propre et au figuré - de commandant en chef des forces américaines stationnées en Europe et de chef suprême des forces alliées, James L. Jones engage à la fois son pays, les Etats-Unis, et l'Europe via l'OTAN. « Le dialogue méditerranéen », qui a constitué un axe essentiel des discussions entre l'officier supérieur US et ses hôtes algériens, est à cet égard révélateur. C'est dans ce registre qu'il faudrait inscrire cette visite officielle du général Jones. Cela n'explique sans doute pas tout. Il faut relever, en effet, que l'officier supérieur américain répond officiellement à une invitation du chef d'état-major de l'armée, le général Gaïd Salah. Ce qui sous-entend que le ministère de la Défense a certainement besoin des services de James L. Jones. Lesquels ? Ni le MDN ni les responsables de l'ambassade des Etats-Unis à Alger que nous avons contactés ne se sont étalés plus longuement que le communiqué officiel. Y a-t-il un projet de vente d'armements au profit de l'Algérie ? On n'en saura pas plus. Cela étant, le fait que l'invité soit reçu par Abdelmalek Guenaïzia en présence du SG du ministère de la Défense, Ahmed Senhadji, habilité légalement à engager ce genre d'opérations en compagnie du « chef de département des approvisionnements », laisse supposer que des transactions seraient en négociation. Il faut noter également que l'ex-chef d'état-major Mohamed Lamari avait déjà effectué une visite à Stuttgart au QG de l'EUCOM que dirige James L. Jones tout comme son successeur Ahmed Gaïd Salah qui y a séjourné à deux reprises.