Le premier forum de partenariat Algérie-France constitue peut-être le départ d'une nouvelle étape dans les relations économiques entre les deux pays. Si les Algériens ont toujours reproché, à juste titre d'ailleurs, l'orientation des investissements français vers l'aspect commercial uniquement, le principe d'un marché acquis faisait en sorte que la frilosité du côté français semblait avoir de beaux jours. Il y a un peu plus de dix ans, les autorités françaises se justifiaient par le fait qu'elles ne pouvaient pas «ordonner» aux entreprises de diriger leurs investissements vers un marché plutôt qu'un autre. Les effets de la concurrence et de la mondialisation ont remis les pendules à l'heure. Et du côté français, on a pris conscience qu'à l'allure où vont les choses, le marché algérien pouvait sérieusement échapper aux entreprises françaises. Lors de la première journée du forum, le secrétaire d'Etat français au Commerce extérieur, Pierre Lellouche, a révélé que la part française du marché algérien était passée de 25% à 15% en 20 ans. Une analyse des activités des partenaires potentiels qui investissent en Algérie montre que, si rien n'est fait, cette part pourrait encore davantage reculer en très peu de temps. La Chine et la Turquie sont les plus actifs et Pierre Lellouche ne l'a pas caché en déclarant : «La Chine nous talonne», «on a subi une érosion» et «le mythe de la chasse gardée est terminée» à propos du marché algérien. Cette prise de conscience est venue au moment même où les autorités algériennes ont décidé de privilégier «l'ouverture du marché» à l'investissement productif pour sortir de la dépendance des exportations des hydrocarbures. Le retard pris dans les négociations de certains projets et les nouvelles mesures prises par les autorités algériennes concernant les investissements ont amené les deux pays à entamer un dialogue. Le ton a été donné au mois de septembre 2010 par l'ancienne secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, alors en visite de deux jours en Algérie. Les Français acceptent la formule gagnant-gagnant Le message que la secrétaire d'Etat est venue transmettre aux autorités d'Alger était simple et clair. La France a l'intention de coopérer avec l'Algérie sur le long terme, même avec les nouvelles mesures prises par le gouvernement algérien concernant l'investissement étranger en Algérie. «Nous voulons investir en Algérie sur le long terme» avait déclaré Anne-Marie Idrac. «Ce que disent les Algériens est légitime», avait-elle ajouté à propos de la stratégie de développement qui vise à substituer la production nationale aux importations et à mettre en place un tissu industriel pour préparer l'après-pétrole. «Produire sur place ce qui est importé, c'est possible avec une relation gagnant-gagnant», avait indiqué la secrétaire d'Etat chargée du Commerce extérieur. Quelques jours auparavant, Nicolas Sarkozy nomme l'ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, «Monsieur Algérie» pour faire avancer le dialogue. La première visite de Raffarin a eu lieu au mois de novembre 2010. Il rencontre à cette occasion celui qui sera son vis-à-vis du côté algérien, le ministre de l'Industrie, Mohamed Benmeradi. Les fruits du travail effectué depuis plusieurs mois, y compris lors de visites faites des deux côtés de la Méditerranée, sont visibles maintenant. Plusieurs projets ont abouti ou en passe d'aboutir car les discussions portent sur la configuration. L'usine Renault sera réalisée Le projet qui doit intéresser le plus est celui de Renault. Le principe de l'usine de fabrication d'automobiles est acquis. Les négociations portent sur la configuration du projet de 150 000 véhicules avec un investissement de 1 milliard d'euros. Le principe de 50% d'intégration aurait été obtenu. Les discussions portent surtout sur l'aspect commercial. Le 16 mars 2011, Alstom et Ferrovial créent Cital, une unité d'assemblage et de maintenance de rames de tramway. La construction de l'usine doit démarrer à la fin de l'année 2011 et la première rame sera livrée à la fin 2013. Cital est détenue à 51% par Ferrovial et l'Entreprise du métro d'Alger et à 49% par Alstom. L'investissement serait de 25 millions d'euros. Sanofi-Aventis a confirmé mardi la construction d'une nouvelle usine de production au sein du technopole de Sidi Abdellah. L'accord de l'Agence nationale de développement de l'investissement a été obtenu au mois de février. L'investissement sera de 6,6 milliards de dinars (63 millions d'euros). L'assureur français AXA a signé mardi l'accord de partenariat pour s'installer en Algérie. La nouvelle société sera détenue à 49% par AXA et les 51% restants par la BEA et le Fonds d'investissement national. Le capital social est fixé à 2 milliards de dinars pour l'assurance dommage et à 1 milliard de dinars pour l'assurance vie. Le fabricant de verre Saint Gobain, qui avait obtenu la privatisation de Alver au mois de novembre 2007 par le CPE, a concrétisé cette privatisation par un accord. Le dossier du métro a été débloqué et il sera livré le 31 octobre prochain. En plus du projet de Renault, deux autres dossiers importants devraient aboutir dans les prochains mois. Pour le projet de vapocraqueur d'éthane de Total-Sonatrach, le problème se situe au niveau des réserves de l'éthane disponibles à Arzew pour toute la durée du projet. Une étude a été lancée par Sonatrach pour chercher de l'éthane dans une autre zone de production et le projet risque encore d'être réévalué. Mais il doit démarrer à moyen terme avec un investissement d'environ 5 milliards d'euros. Concernant le partenariat entre Lafarge et le groupement Gica, les négociations se poursuivent encore et elles seraient en bonne voie. Le forum qui a été décidé pour rapprocher les PME des deux pays a, semble-t-il, été une réussite. Les organisateurs ont réussi à réunir les dirigeants de 668 PME. Près de 4300 rendez-vous bilatéraux ont pu avoir lieu durant les deux jours et il faut s'attendre à des accords à l'avenir.