Selon le leader du RCD, le gouvernement a dépensé 30 milliards de dollars depuis janvier pour acheter la paix sociale Verbe tranchant, analyse succincte de la situation du pays, le président du RCD, Saïd Sadi, a posé un diagnostic sans appel des événements qui bouleversent les pays du Sud, et de l'actualité nationale, à l'occasion de la tenue, hier, de la réunion du Conseil national de son parti au club du Moudjahid à Alger. «Ce rendez-vous intervient dans une période politiquement déterminante et historiquement passionnante, un moment capital pour le parti et essentiel pour l'avenir de la nation», a affirmé tout de go le président du RCD. Devant les membres du conseil national qui ont répondu tous présent à cette réunion, Saïd Sadi ajoutera que «la conjoncture est importante pour l'Algérie et pour toute la région du Sud». Pour lui, «ce qui se passe sur la scène internationale est totalement inédit dans l'histoire qui a suivi la décolonisation». «Nous sommes, dit-il, dans une situation pré-insurrectionnelle : l'Algérie a connu en 2010, 10 000 mouvements de tous genres, grèves, manifestations, émeutes.» «Il ne faut jamais s'en réjouir mais non plus s'en plaindre parce que c'est le seul moyen d'expression», nuance Saïd Sadi qui tranche : «Le système politique est bloqué.» Selon le président du RCD, «il y a une faillite générale de tous les systèmes despotiques dans le Sud». Il explique : c'est en fait la remise en cause de la force et de la corruption, deux piliers sur lesquels se reposent ces systèmes. Qu'en est-il de la situation en Algérie ? Le président du RCD est catégorique : «Il est illusoire et dangereux de croire qu'il peut y avoir une ombre de changement de l'intérieur.» Le pouvoir, selon lui, est «usé, divisé et discrédité». «Ils ont peur», indiquera Saïd Sadi en précisant que l'ensemble des partis politiques légaux, y compris nous, ont cru à un moment qu'il était possible d'élargir les marges, mais la conclusion est qu'il est impossible de faire bouger les choses de l'intérieur. Relevant les contradictions flagrantes dans la démarche du pouvoir, le leader du RCD ne comprend pas le fait qu'on ne veuille pas admettre que la régression sociale est la conséquence de l'échec du pouvoir, que l'échec social est le résultat de l'échec du gouvernement. «Alors, s'il n'y a que des problèmes sociaux, s'interroge-t-il, pourquoi on appelle donc à des réformes politiques profondes ?» «On a affaire à un pouvoir qui a perdu la boussole.» L'orateur pose à juste titre une autre question sur les consultations menées par Abdelkader Bensalah : puisque c'est le président qui recueille les propositions, les listes et décide en fin de compte pourquoi alors associer les partis et les personnalités ? «C'est de la manipulation pour gagner du temps», assène Saïd Sadi convaincu qu'«il n'y a aucune volonté de changer». Il en voit plus d'un indice. «Au lieu de déconcentrer et de décentraliser le pouvoir, ils enlèvent le peu de prérogatives qui restaient aux maires dans le nouveau code communal, à la tripartite c'est toujours l'UGTA qui est invitée, alors qu'il y a des syndicats autonomes.» «Il est illusoire et dangereux de croire au changement de l'intérieur» Le président du RCD souligne qu'«on est toujours dans le parti unique». Sur ce que coûte la paix sociale au gouvernement, il annonce un chiffre effarant. «30 milliards de dollars sont dépensées depuis janvier pour éteindre les foyers de révoltes alors que l'Algérie tournait autrefois avec uniquement 9 milliards de dollars», indique l'orateur qui met en garde : «Attention, le retour de manivelle sera dévastateur !» «Ils sont en train de miner le pays», estime Saïd Sadi qui a dénoncé au passage la répression qui s'est abattue sur les médecins résidents. «C'est un véritable scandale», tempête l'orateur pour qui «la levée de l'état d'urgence est remplacée par l'instauration chaque samedi d'un état de siège». Le leader du RCD, qui parle d'un «pouvoir déconstruit», souligne que «nous avons affaire à un système qui est incapable de générer une offre politique sur laquelle on peut se positionner». «Quand on dit un changement de système, ce n'est pas par hasard», soutient-il. «Beaucoup ne souhaitent pas le changement», indique Saïd Sadi en expliquant que «même s'ils ne sont pas au pouvoir, ils sont clientélisés». L'orateur livre l'exemple du barreau d'Alger qui est «totalement asservi». Avec l'armée, le président du RCD n'est pas allé de main morte. «On n'a pas une armée sérieuse qui a une culture. Elle est inculte et violente», lâche-t-il avant d'ajouter : «En tout cas ce n'est pas en Algérie qu'un général dira : ne tirez pas sur la foule.» Pour lui, «le régime algérien a beaucoup plus de ressemblances avec la Libye et la Syrie». «C'est un pays tribalisé, il ne faut pas avoir peur de le dire», déclare-t-il tout en soulignant qu'«il faut être aveugle pour croire qu'un mouvement historique aussi massif s'arrêtera aux frontières : l'effondrement du système interviendra, c'est une urgence historique et une réalité politique». Pour doser son analyse, Saïd Sadi affirme que les émeutes de janvier ont été créées de toutes pièces. «Ils ont allumé la mèche pour dégoupiller la situation par un mouvement qui n'avait aucune revendication politique». «C'était illisible politiquement», considère l'orateur pour qui «le pouvoir était à l'aise car c'était sa stratégie». Et quand «nous voulions donner du sens au mouvement, il est évident que le DRS nous cible». Soutenant qu' «il n'y a plus de possibilité d'avancer», le leader du RCD annonce que «le parti va continuer à suspendre ses activités au Parlement jusqu'à la fin du mandat». «Il faut réinventer de nouvelles formes de lutte et faire preuve d'imagination si on veut réellement éviter un chaos dans le pays», souligne-t-il encore avant de mettre en garde contre le danger qui guette l'Algérie. Selon lui, «Toufik et Bouteflika sont tellement fixés par la sauvegarde du régime qu'ils en oublient l'espace national». «A travers le pays, il y a une dynamique de cessation. Au Sud, dans le Bécharois ou en Kabylie, les intérêts sont dans l'après-pétrole», explique le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie qui avertit sur la possible aggravation «de toutes ces fractures souterraines». Saïd Sadi qui ne cessera pas de prévenir, «ou une transition démocratique apaisée ou c'est le chaos», a conclu sur une note optimiste en affirmant : «Je pense que c'est la jeunesse algérienne qui va sauver le pays.»