Plus d'un millier de travailleurs du secteur du textile et cuirs se sont rassemblés, hier, devant le siège de l'UGTA, à Alger, pour demander le retrait de la disposition contenue dans la loi de finances complémentaire, portant réintroduction de l'importation de la friperie. Sous un soleil tapant, les manifestants, venus des quatre coins du pays, ont vertement critiqué les députés auteurs de cette disposition contestée. «Nous sommes là pour faire entendre notre voix et défendre ce qui reste du textile», lance Hamidi Zerouk, syndicaliste de Barika (Batna), pour lequel l'importation de la friperie risque de ruiner totalement le secteur, déjà laminé par la vogue chinoise. «Je ne comprends pas comment des élus du peuple puissent travailler contre le peuple», lâche Ben Azouz, syndicaliste du complexe de Draâ Ben Khedda, à Tizi Ouzou. Ce dernier regrette que ces parlementaires «se contentent de défendre leurs propres intérêts» sans se soucier de l'avenir de milliers de travailleurs. Le secrétaire général de la Fédération nationale du textile et cuirs a dénoncé cette disposition qui est, selon lui, contraire à la nouvelle orientation économique du gouvernement qui vise à valoriser la production nationale en déclarant la guerre à la concurrence déloyale. «Par cette formidable mobilisation, nous avons fait part de notre inquiétude quant aux conséquences de cette décision sur le secteur», a souligné Amar Takjout. «La levée de l'interdiction de l'importation de la friperie est un acte scandaleux. Les membres de l'Assemblée nationale sont censés soutenir la création d'entreprises dans leurs régions respectives, trouver des solutions à l'évasion fiscale, soutenir et défendre des projets à caractère social, encourager la production nationale génératrice de richesses et créatrice d'emplois. Mais ils ne sont pas censés défendre l'importation de la friperie», a-t-il tonné, lui qui reste convaincu qu'une telle disposition sert les intérêts des «barons de l'import et de la fraude». Le SG de la FNTTC n'a pas raté cette occasion pour souligner la contradiction entre l'orientation du gouvernement qui œuvre à relancer l'industrie du textile à travers un plan de 2 milliards de dollars et la décision de l'APN qui, en réintroduisant l'importation du chiffon, «ouvre les portes à toutes les dérives économiques». «Les usines du cuir sont actuellement à l'arrêt à cause de l'indisponibilité de la matière première. Ce manque a été provoqué par l'exportation frauduleuse des peaux brutes vers la Syrie et la Turquie. Un trafic estimé à près de 6 millions d'euros par an. Pourquoi nos honorables députés n'enquêtent pas sur ce trafic, au lieu de légaliser une activité informelle qui consiste à importer toute sorte de vieilleries du vieux continent», poursuit-il, menaçant de rassembler les 18 000 travailleurs du secteur devant le Parlement en septembre prochain. De son côté, Benyoucef Zenati, membre de la commission exécutive fédérale, s'est demandé si les députés sont conscients des dangers auxquels sont exposés les Algériens et des répercussions de leur décision sur le secteur et, par ricochet, sur l'emploi de milliers de citoyens. «Ces élus du peuple ne doivent pas oublier que ce ne sont pas les quelques barons de l'import qui vont voter pour eux, mais ce sont les milliers de travailleurs qui risquent aujourd'hui de perdre leur gagne-pain», a-t-il fulminé. Mourad Manseur, un des députés PT contre l'importation de la friperie, estime que «cette décision reflète la nature même de cette assemblée qui légifère non pas pour les citoyens qu'elle représente mais pour ceux qui la composent».