- L'architecte Halim Faïdi affirme que le «vrai» MaMa n'a jamais été livré et que le musée que nous voyons n'est qu'un «trompe-l'œil», une «grande galerie». Pour vous, le MaMa tel qu'il est aujourd'hui fonctionne-t-il comme un musée à part entière ? Evidemment qu'il fonctionne comme un musée. Permettez-moi de rappeler au préalable que l'idée de création d'un musée d'art moderne et contemporain à Alger date d'avant l'indépendance quand des peintres comme André Masson, Matta et tant d'autres ont offert des œuvres destinées à ce futur musée. C'est donc une idée qui a germé depuis bien longtemps, mais qui n'a pu être concrétisée qu'à l'occasion de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe». - Mais la création du MaMa est indépendante de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe», n'est-ce pas ? Oui, mais dans le cadre de l'événement «Alger, capitale de la culture arabe», il a bénéficié des crédits nécessaires pour faire démarrer les travaux. Et aujourd'hui, ce musée appartient à un public. Or, ce public ne vient pas voir une coquille vide, il vient voir une exposition dans ce musée. Là où on peut être d'accord avec Faïdi, c'est quand il dit que le musée tel qu'il se présente physiquement n'est qu'une galerie. Mais il faut préciser aussi qu'un musée, c'est une âme, ce n'est pas une coquille. Un musée c'est un personnel, c'est un public. C'est ça qui fait vivre un musée. Ce n'est pas d'avoir des espaces pour les réserves, des bureaux pour le directeur… Les espaces d'exposition, on en a. Depuis l'ouverture du musée le 1er décembre 2007 à ce jour, nous avons organisé pas moins de 25 grandes expositions. C'est la preuve patente que ce musée est vivant et dynamique, et le premier qui doit en être fier, c'est Faïdi. Ce qu'il a réalisé à titre provisoire draine du monde et c'est le plus important. D'un autre côté – et ce n'est pas à Faïdi que je vais l'apprendre – quand un architecte travaille sur un projet, le propriétaire reste le maître d'ouvrage. Et le maître d'ouvrage est en droit d'intervenir sur son bâtiment chaque fois qu'il l'estime nécessaire. - Faïdi assure que le retrait du mur signalétique compromet la sécurité du bâtiment. Il déplore également le fait que le dispositif lumière mis en place par George Berne ait été enlevé pour être remplacé par des «projecteurs de chantier», le tout sans qu'il soit consulté… Et j'assume complètement les projecteurs de chantier ! Ainsi donc, si je prends en considération les griefs de Faïdi, dans ce cas-là, si je l'avais engagé pour construire une maison, je ne pourrais pas toucher à ma salle de bains sans demander son autorisation ? Parlons de cet éclairage ! D'abord, je dois reconnaître que c'était une très bonne idée d'avoir engagé George Berne. Seulement, l'éclairage fixe qu'il a conçu vaut davantage pour les expos permanentes. Mais comme nous n'avons que des expos temporaires, cette mise en lumière ne nous convenait pas. Autre chose : moi je n'ai trouvé aucune étude qui me garantit la sécurité de ces projecteurs qui pèsent très lourd et qui sont accrochés au plafond par de simples filins d'acier. Qu'un filin se casse et c'est moi qui paie en tant que responsable. Donc, au vu de ces risques, j'ai pris ma décision. Après tout, je suis le maître de l'ouvrage, et mon angoisse, c'est la sécurité du visiteur. Pour ce qui est du panneau signalétique, si Faïdi l'avait mis par souci de renforcer la sécurité de l'édifice, le CTC est censé avoir produit un document dans ce sens. Si Faïdi me fournit ces documents, je suis prêt à remonter cette structure. Pour moi, ce panneau était comme un abcès visuel. Cela empêchait d'avoir cette perspective sur le musée. Ceci dit, je suis d'accord avec lui quand il déclare qu'il aurait fallu fermer ce bâtiment et continuer les travaux. Sauf que, entre temps, la donne a changé. Quand Faïdi a commencé à travailler sur le projet, c'était pour ainsi dire un «banal» bâtiment. Fin 2008, il a été classé monument historique. Et à partir de là, tout ce qui a été fait auparavant est nul et non avenu. Maintenant, je ne peux pas toucher un clou sans avoir l'autorisation d'un architecte des sites et monuments historiques. Nous sommes en train de travailler sur l'achèvement du musée. La décision a été signée par la ministre de la Culture pour la constitution d'un jury composé de spécialistes, et nous allons lancer un concours muséologique et muséographique prenant en compte cette donne importante. Le jury va se réunir prochainement pour étudier le dossier. Par voie de presse, on informera les cabinets d'architecture intéressés par cette opération, y compris Faïdi. Et que le meilleur l'emporte ! D'ailleurs, je vous annonce que les projets déposés feront l'objet d'une exposition. - Mais l'architecte dit que lorsqu'il a remporté ce marché, cela concernait l'ensemble du projet MaMa. Comment voyez-vous le dénouement de cet imbroglio juridique ? Le maître de l'ouvrage a le droit de ne pas prendre en considération une étude qu'il a faite réaliser parce qu'il y a une nouvelle donnée qui change tout. Le ministère de la Culture et le cabinet de Halim Faïdi formaient un couple parfait. A un certain moment, comme dans tout couple, il y a eu des problèmes. Chacun va dire c'est moi qui ai raison. Dans le meilleur des cas qu'est-ce qu'on fait ? On essaie de trouver un arbitre. Et le seul arbitre fiable, c'est la justice. Je ne vois pas pourquoi Faïdi n'a pas saisi la justice s'il s'estime lésé dans cette affaire puisque le ministère de la Culture a eu la pudeur de se taire jusqu'à maintenant ? - Un autre grief fait par M. Faïdi porte sur l'absence d'un espace de stockage des œuvres au sein du MaMa répondant aux normes muséologiques. Où allez-vous mettre le fonds du MaMa une fois qu'il sera constitué ? Il sera déposé à l'endroit qui lui sera imparti une fois le musée terminé. C'est une affaire au maximum de trois années. Il faut savoir que la nouvelle stratégie des musées maintenant est de prendre des espaces de stockage extérieurs au musée. Je suis même en train d'envisager une solution dans ce sens avec ma collègue du Musée des arts et des traditions populaires. Et l'idée qu'on va proposer prochainement, c'est de louer ou d'acheter des espaces qui deviendront les «Réserves nationales». Pareil, concernant l'auditorium. A quoi cela sert-il de s'encombrer avec un auditorium de 300 places sachant qu'à côté, j'ai l'Historial, j'ai le Casino qui va ouvrir, j'ai la Cinémathèque qui a ouvert et qui m'offre des moyens de projection impeccables. Cette idée de tout confiner dans un musée est quelque peu dépassée. Aujourd'hui, le musée est devenu un espace flexible, et il doit s'adapter aux besoins de son public. Le public algérois n'est pas le public parisien. Actuellement, nous faisons un chiffre qui avoisine les 100 000 visiteurs par an. C'est énorme. - Halim Faïdi s'inquiète aussi de l'état des installations techniques (postes incendie, étanchéité, etc.). Qu'en est-il de la fiabilité de ces installations ? Faïdi croit-il réellement que la sécurité est le dernier de mes soucis ? J'ai fait venir toutes les boîtes qui ont travaillé sur les installations techniques et elles les inspectent régulièrement. La sécurité est notre hantise. Il n'y a qu'à voir le nombre d'agents et le nombre d'extincteurs présents sur place. - Il vous reproche aussi la dégradation des «parquets Briatte». Je reconnais que les «parquets Briatte» ont été rayés. Seulement, il faut préciser – et cela m'a été confirmé par des spécialistes qui ont examiné les parquets – que c'était dès le départ mal posé. Ça n'enlève rien au fait que nous sommes responsables de la dégradation de ce parquet, mais il faut savoir que Faïdi était présent sur les lieux quand ça s'est produit. La plus grande dégradation est survenue en 2007-2008 et elle est due à la précipitation dans laquelle les premières expositions ont été montées. Gageons que tout cela va nous servir d'expérience. Le concours lancé, les travaux commencés, j'espère qu'en 2014 ou 2015, j'aurai toujours le plaisir d'être le premier directeur de ce musée. En tout cas, on aura un joyau qui sera la récompense de tous ceux qui ont travaillé dessus. Le reste ne m'intéresse pas. Je n'aime pas la polémique… - Cette polémique fait partie de l'histoire du MaMa, vous ne pensez pas ? La polémique prend de l'énergie. Vous savez, il y a un musée d'art contemporain de je ne sais combien de milliers de mètres carrés qui vient d'être construit en Chine. La particularité de ce musée est qu'il ne compte que des espaces d'exposition, comme le MaMa. Il n'a ni réserves, ni administration, ni rien. La conception muséologique de Malraux n'est plus d'actualité. Le musée n'est plus un bâtiment figé. Nous, ce qu'on souhaite, c'est d'avoir Monsieur-Tout-le-Monde. Les gens ne sont pas obligés de venir pour admirer les œuvres. On peut simplement s'y abriter pour profiter de la clim' ou se reposer. Moi, la personne qui m'a rendu le plus heureux, c'est un vieux qui s'était assis au milieu des Issiakhem, et qui lisait tranquillement son journal.