Celui qui possède un des meilleurs itinéraires, dont peut rêver un acteur du football algérien et africain de ces quarante dernières années, est sans conteste Ahmed Bessol (AB. Lahouari). De passage à Alger, il parle de son vécu de journaliste sportif et d'historien. Il en parle avec enthousiasme et surtout son franc-parler habituel. - On raconte souvent aux jeunes journalistes sportifs une de vos boutades, alors que vous étiez le patron du service des sports de l'APS : «Je vis toujours dans l'angoisse d'entendre un arbitre me dire : c'est quoi la loi du jeu numéro…» Oui, je me souviens. Je lançais cette boutade à ceux qui embrassaient la profession et qui s'amusaient à juger et à commenter les prestations d'un arbitre dès leur premier article. Malgré le fait d'avoir remporté le premier concours du jeune footballeur où il fallait bûcher les lois du jeu, d'avoir été international junior et d'avoir porté, à Oran, le maillot du Mouloudia, de l'ASM et du RCGO, je m'évitais souvent de porter des jugements sur l'arbitrage. - Mais des arbitres font aujourd'hui l'actualité et sont plombés par les médias qui rapportent des faits de corruption… Ce que j'ai lu est sidérant, mais guère surprenant. Les arbitres sont le produit de la société dans laquelle ils vivent. Le monde du football a tourné le dos à l'éthique sportive et nous perdons de plus en plus de crédibilité sur le plan international. Les accusations du président de Annaba sur deux juges de touche (il a averti, sans résultat, la Ligue nationale et la FAF d'une tentative de corruption, ndlr) sont terribles. C'est bizarre que l'on ait vite tourné la page. Comme on a tourné celle de notre humiliante défaite contre le Maroc (0-4) pour nous orienter vers l'arrivée d'un nouveau messie : Vahid Halilhodzic. C'est de la Com' primaire et beaucoup de monde y a mordu.
- Justement, comment jugez-vous la situation actuelle du football algérien ? Scandaleuse et catastrophique. Le football algérien demande de la disponibilité. Je dis bien de la disponibilité. La plaie de notre football se trouve dans le cumul des mandats. Ce n'est pas au ministère de la Jeunesse et des Sports de jouer au pompier et de résoudre (avec succès du reste) tous les problèmes qui ont surgi au cours de la saison passée au niveau des clubs.
- Avez-vous des regrets ? Des regrets dans ma vie professionnelle non, mais dans le monde du football oui. Le grand regret est de me rendre compte que le bénévolat n'existe plus. Le football est l'otage de gens qui n'ont rien à voir avec la discipline. Heureusement qu'il existe encore des hommes, comme au Mouloudia d'Oran, qui se battent pour que le club échappe aux opportunistes.
- Revenons à Ahmed Bessol. Que fait-il actuellement. Quels sont ses projets ? Je vais faire dans le minimum durant les six prochains mois après avoir terminé deux ouvrages qui seront édités à l'étranger pour le 50e anniversaire. Le premier est un dictionnaire du football algérien et le second retrace l'histoire de la Coupe d'Afrique du Nord (1930-1956). Ce sera aussi un documentaire. J'y travaille depuis 2000 et j'ai emmagasiné des heures d'entretiens – images avec les stars nord-africaines de l'époque. Un vrai bonheur d'avoir rencontré des footballeurs de légende aussi brillants qu'affables comme Mario Zatelli, Abderahmane Mahjoub, Boudjlal dit Tchingo, Lisou de Villeneuve, Smaïl Khabatou, Kader Firoud, Just Fontaine… Des noms qui ne disent rien aux générations de l'indépendance, mais qui ont marqué le football nord-africain.
- Vous sentez-vous beaucoup plus journaliste qu'historien ? Je suis et resterai journaliste. Plus de quarante ans de métier avec quatre Coupes du monde et plus d'une dizaine de Coupes d'Afrique des nations, sans compter plusieurs grands événements comme les JO et les Jeux méditerranéens… Avec le poids de l'âge, je n'ai plus le souffle (rires) pour courir derrière un joueur et décrocher un entretien. C'est dire que pour les années à venir, je vais m'appuyer sur mon expérience pour explorer le côté histoire du football.
- Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération de journalistes sportifs algériens ? Ils ont de l'audace, mais leur naïveté fait croire à un manque de professionnalisme dans le traitement de l'information. Ils se sont spécialisés dans le genre «fouille-merde» et ne font pas dans le commentaire pour soutenir ou rejeter une idée, une politique. Il appartient aux anciens de les encadrer et aux patrons de presse de dégager un budget pour le consacrer à la formation et au perfectionnement.
- Au fait, joyeux anniversaire ! C'est gentil. Merci à toute l'équipe d'El Watan Week-end.