Lehouimel est une bourgade ordinaire comme il en existe certainement des milliers dans l'Algérie profonde, une « agglomération secondaire » dit-on, en jargon administratif... avec tout ce que secondaire puisse connoter de négatif. Située à plus d'une vingtaine de km à l'ouest de Sidi Khaled, la zone pastorale de Lehouimel et la dechra campent sur un plateau semi-aride, mi-steppe, mi-terrain de parcours sont, aussi paradoxal que cela puisse paraître, doublement enclavées : d'abord tout à fait naturellement par le lit de l'Oued Djeddi qui les borde du côté sud, sans aucun pont qui puisse l'enjamber et dont les crues inopinées isolent souvent et coupent parfois, durant une semaine entière, la population de Lehouimel du reste du monde. Enclavé, Lehouimel l'est aussi par la faute de la bêtise humaine qui n'a pas jugé bon de le relier au chef-lieu de la daïra ou à Ouled Djellel par des routes carrossables, dignes de ce nom. Les 150 collégiens et lycéens de la région de Lehouimel ne sont guère mieux lotis que le reste de la population. Ils sont obligés de « se taper quotidiennement un aller-retour d'une cinquantaine de kilomètres à travers les pistes », pour se rendre à leur établissement scolaire. Les mieux nantis de ces filles et garçons, les plus enviés aussi par leurs condisciples, font ces trajets juchés à deux sur une mobylette. D'autres jeunes, à trois ou quatre, et pour la durée d'une année scolaire, ont élu domicile soit à Ouled Djellel soit à Sidi Khaled, dans des chambres de fortune, louées chez quelqu'un par leur famille. Enfin, il y a les laissés-pour-compte de la société, ceux qui nous ont répété à l'envi : « Dans l'Algérie de 2005, nous sommes privés de tout, et faute de transport scolaire et de moyens pécuniaires, nous ne pouvons continuer nos études avec à la clé pour unique alternative, celle de garder les moutons des grands éleveurs de la région. »