Actuellement, les Algériens ont carrément disparu des bancs des grandes écoles françaises, polytechniques et travaux publics. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, ils représentaient la plus forte communauté estudiantine en France. Contrairement à ce qui se dit aussi bien en Algérie que de l'autre côté de la rive, la tendance du nombre d'intellectuels algériens en France est en baisse. Actuellement, les universités de l'Hexagone comptent de moins en moins d'étudiants et d'enseignants nationaux soit, respectivement, à peine 20 000 et 300. Interrogé lors de son récent passage à Annaba, où il avait participé à un colloque international sur les rapports euromaghrébins, Aïssa Kadri, professeur à l'université Paris VIII, estime qu'il s'agit tout simplement d'une déterritorialisation de l'action intellectuelle. Car actuellement, les Algériens ont carrément disparu des bancs des grandes écoles françaises, polytechniques et travaux publics. Pourtant, tient-il à souligner, il n'y pas si longtemps, les nationaux représentaient la plus forte communauté estudiantine en France. Aujourd'hui, ce sont nos voisins marocains qui sont mieux acceptés. La même tendance à la baisse, des intellectuels algériens établis en France, est également relevée au niveau du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui ne compte que 17 directeurs et entre 30 à 40 chargés de recherches de nationalité algérienne sur un effectif total de 26 103 chercheurs, toutes nationalités confondues, dont 1775 étrangers, alors que certaines statistiques orientées les évaluaient à plus d'un millier. A ce propos, le sociologue, qui est également codirecteur de l'institut Maghreb-Europe de l'université Paris VIII, a tenu à préciser que c'est dans les seuls secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique que cette dernière (la nationalité algérienne) pouvait être gardée. Notre interlocuteur, dont beaucoup de travaux de recherches ont traité de la question migratoire, parle, par ailleurs, de 2000 médecins algériens en exercice dans l'Hexagone. A partir de Annaba, Aïssa Kadri a, également, lancé un appel à l'adresse de l'UE, la France en particulier, à l'effet de revoir sa politique migratoire qualifiée d'abusivement répressive, car comparativement aux précédentes générations, ont émergé de nouvelles formes de migrations dont les causes et les raisons ne sont pas essentiellement d'ordre économique. La nature de l'immigration a changé. En effet, l'objectif des migrants n'est plus le même. Le migrant d'aujourd'hui a d'autres objectifs. Il ne s'agit plus pour lui d'espérer s'établir durablement dans le pays d'accueil, mais tente de donner sens à sa vie, cherche la liberté, explique l'universitaire. Pour étayer ses dires, M. Kadri se référera aux femmes migrantes, en quête de liberté : 30% d'Algériennes migrantes partent dans le cadre du regroupement familial contre plus de 50% qui migrent seules. Les Européens, surtout les Français, sont dans une phase où ils ne sont plus en mesure d'accepter le migrant, d'aller vers lui, de lui souhaiter la bienvenue. Certes, la crise économique et sociale prolongée a sérieusement entamé leur capacité d'ouverture. Toutefois, conclut l'illustre professeur Aïssa Kadri, aujourd'hui, le discours européen de la répression n'est plus audible, car il apparaît déconnecté de la nature actuelle de l'immigration. La donne s'est modifiée : les sociétés du sud de la Méditerranée veulent vivre chez elles dans la dignité. A ce titre, l'Europe doit s'ouvrir davantage et réfléchir à des formes de solidarité avec ces sociétés.