La contestation se réinstalle chez les pétroliers de Hassi R'mel. Les travailleurs, qui avaient ébranlé Sonatrach en mars dernier avec une «grève de la faim», menacent de reprendre la protesta dès le début du mois de Ramadhan, si leurs revendications ne sont pas satisfaites dans les meilleurs délais. La direction de la première entreprise d'Afrique, qui a réussi à désamorcer la crise au printemps dernier, doit aujourd'hui faire face à l'impatience des pétroliers des sites du Sud qui s'estiment lésés dans leur rémunération. Le sursis accordé pour la mise en œuvre des engagements pris par le premier responsable de l'entreprise touche à sa fin et les travailleurs du site de Hassi R'mel jugent ce qui a été présenté jusqu'à aujourd'hui insuffisant. C'est surtout la prime d'intéressement, laquelle fait partie des points de la plateforme de revendications de Hassi R'mel, qui suscite tant de remous. Au-delà du fait que celle-ci soit considérée comme étant «dérisoire», les représentants de la section syndicale s'indignent du fait que la prime en question soit octroyée selon un système de paliers. Après avoir saisi par écrit, le 19 juillet, le syndicat national des travailleurs de Sonatrach, les membres de la section syndicale de Hassi R'mel se sont réunis jeudi afin de décider des suites à donner à cette affaire. Sur ce, il a été décidé d'interpeller la direction régionale Sonatrach à l'effet de réunir les conditions nécessaires à la tenue d'une assemblée générale des travailleurs. Requête à laquelle le responsable de la compagnie pétrolière a opposé une fin de non-recevoir, justifiant son propos par l'inconvenance du calendrier. Ainsi dans la correspondance qu'il a adressée vendredi au secrétaire général du conseil syndical de Hassi R'mel, le directeur régional Sonatrach a indiqué que «la période estivale et particulièrement celle du mois sacré de Ramadhan ont toujours été caractérisées par une recrudescence d'actes malveillants». Et d'ajouter : «Des instructions fermes à l'adresse des administrations et entreprises publiques ont été données pour faire preuve de vigilance, mettant en œuvre les consignes nécessaires et appropriées.» Argument auquel les représentants syndicaux ne semblent pas être sensibles, puisqu'ils entendent reprendre langue avec les responsables régionaux demain afin de fixer la date de leur AG. Les pétroliers sont donc bel et bien décidés à aller au bout de leurs réclamations, malgré les assurances de la direction d'Alger. Cette dernière s'est engagée à satisfaire un certain nombre de revendications énumérées dans un bulletin d'information interne. Les responsables de l'entreprise demandent d'ailleurs du temps pour répondre à l'ensemble des requêtes, vu la nécessité de respecter un certain nombre de procédures. Toutefois, la situation semble aujourd'hui inextricable, d'autant que les syndicalistes de la base ont un certain nombre de griefs à adresser à la Fédération nationale des travailleurs du pétrole, du gaz et de la chimie. Les représentants de la section syndicale de Hassi R'mel estiment s'être fait doubler par le syndicat affilié à l'UGTA, et lui reprochent d'avoir entériné l'accord portant prime d'intéressement sans l'assentiment de la base. Le plan de rémunération au cœur de la contestation Dans une correspondance datée du 28 juillet, ils évoquent la dégradation du climat social engendrée par un «sentiment de frustration et d'indignation envers la direction générale et le Syndicat national Sonatrach». Et d'ajouter : «Si aucune alternative n'est trouvée à cette situation dans les meilleurs délais, les travailleurs décideront de toutes les mesures conférées par la loi, afin de recouvrer leurs droits légitimes.»Les travailleurs comptent bien, à travers cette mobilisation, remettre en cause tout le nouveau système de rémunération par paliers mis en place au sein de Sonatrach. Les enjeux dépassent ainsi la simple querelle autour d'une prime, puisque les ambitions des travailleurs sont clairement affichées. Ils comptent bien saisir l'occasion d'une conjoncture favorable à la contestation afin d'obtenir un alignement des augmentations de salaires pour tous les travailleurs et de manière égale. Au sein du groupe pétrolier, on reconnaît d'ailleurs que le nouveau système de rémunération appliqué de manière progressive depuis 2004 fait face à certaines résistances parmi les 41 000 travailleurs de la compagnie. Le nouveau plan, qui doit prendre en charge 5000 postes et plusieurs métiers, met en avant les critères de performance et la gestion par objectif dans la définition des rémunérations, ce qui n'est pas du goût des travailleurs. Un plan visant l'amélioration des performances, concocté par IBM Towers Perrin pour lequel le groupe a investi pas moins de 20 millions de dollars. Toutefois, certains cadres mettent en doute la pertinence de l'ensemble du procédé proposé, et ce, comparativement aux besoins de Sonatrach laquelle devra évoluer désormais en tant que major du pétrole et du gaz.