Pierre Péan a le mérite d'écrire un livre original par an. Cette fois-ci, il prend tout le monde au dépourvu. Le journaliste écrivain défend l'attitude de la France lors du génocide rwandais de 1994 et s'attaque violemment aux associations luttant contre la « Françafrique », notamment Survie. Le malaise ne disparaît pas à la fin du livre. Après l'avoir refermé, l'embarras est toujours là. Voilà un livre dérangeant. On ne comprend pas très bien la démarche de Pierre Péan. S'il a décidé de dédouaner les Mitterrand, père et fils, et la France d'une responsabilité, dans le génocide rwandais, il s'est en bien acquitté. Et si le Quai d'Orsay distribuait le prix d'excellence, quand il s'agit de l'honneur de la France, il le recevrait certainement haut la main. Par contre, ce qui est très maladroit, pour utiliser un terme neutre, c'est cette attaque frontale, violente, démesurée contre l'association Survie, et notamment ses deux anciens présidents. La thèse défendue par Pierre Péan se résume à deux points : Paul Kagame, l'actuel président, est le responsable, le planificateur du génocide. D'où noires fureurs. Et le monde associatif, François-Xavier Verschave en particulier, est traité de menteur. Tous ces blancs « pour lesquels l'affaiblissement de la France en Afrique reste un objectif prioritaire ». Que les militants aient dit des contrevérités, et même tenu des discours outranciers, c'est plus que probable. De là à développer une haine d'une rare violence est un pas que Pierre Péan a franchi allégrement. Selon lui, « la France est le seul pays qui a tenté de faire quelque chose et c'est le seul qui se retrouve accusé. La politique de François Mitterrand de 1990 à 1993 n'a pas consisté, comme on le dit, à soutenir le régime hutu de Juvénal Habyarimana, mais à essayer de séparer les communautés hutues et tutsies ». Polémiste de talent, Pierre Péan nous a habitués à plus de professionnalisme. Dans ce livre, il s'appuie sur des documents provenant d'une source unique. Ainsi et ce n'est pas à exclure, l'avion transportant le président rwandais aurait été explosé par des mercenaires à la solde du Front patriotique rwandais de Paul Kagame. Seule une enquête indépendante soulèvera enfin le voile sur ce mystère. Par contre, toute la machine génocidaire qui s'est déclenchée après l'assassinat du président Juvénal Habyarima ne s'est pas enclenchée toute seule. Il y a bien eu un processus qui a abouti à la mort de 800 000 personnes (Hutus et Tutsis). Les médias de la haine, notamment Radio Mille Collines, n'étaient pas à la solde de Paul Kagame, réfugié à l'époque en Ouganda. De la machine à tuer, on n'apprend rien. Le livre de Pierre Péan recèle beaucoup d'informations nouvelles, révise la version « officielle », mais semble épuisé paradoxalement par le parti pris de l'auteur. Noires fureurs, blancs menteurs, de Pierre Péan, éditions Mille et Une Nuits.