Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, fait l'objet d'une charge virulente dans un livre à paraître aujourd'hui, accusé d'avoir mélangé les genres entre activités publiques et privées en Afrique, et aussi sévèrement critiqué pour ses positions politiques. Le monde selon K. (éditions Fayard), du journaliste-écrivain Pierre Péan, constitue probablement l'attaque la plus violente jamais portée contre l'ancien “French doctor” qui demeure l'une des personnalités politiques les plus populaires en France. La principale accusation concerne de lucratives activités de consultant menées dans le secteur de la santé en Afrique, entre 2002 et 2007, après la défaite électorale de la gauche à laquelle il appartenait et avant sa nomination dans un gouvernement de droite, sous Nicolas Sarkozy. Selon le journaliste, Bernard Kouchner a mené ces activités pour deux sociétés privées, Africa Steps et Iméda, gérées par deux de ses proches, alors qu'il présidait en même temps un groupement d'intérêt public, Esther, consacré à la coopération internationale hospitalière. Les deux sociétés ont vendu pour près de 4,6 millions d'euros de contrats de conseil sur la réforme des systèmes de santé au Gabon du président Omar Bongo Odimba et au Congo de Denis Sassou Nguesso. Pierre Péan affirme qu'une partie de ces sommes n'ont pu être recouvrées par les sociétés qu'après l'entrée en fonction de Bernard Kouchner au Quai d'Orsay, le 18 mai 2007. L'écrivain assure que l'un des proches du ministre, Eric Danon, gérant d'Iméda et alors ambassadeur auprès de Monaco, a démarché les autorités gabonaises pour obtenir des paiements de factures jusqu'en septembre 2007. Mais il ne fournit pas la preuve d'interventions du ministre après sa prise de fonctions. Dès le 12 janvier, Bernard Kouchner avait dénoncé “certaines allégations inexactes” du livre à paraître et affirmé se “réserver le droit d'engager des poursuites judiciaires”. Bernard Kouchner “s'enorgueillit d'avoir toujours mené (...) un combat permanent en faveur de la santé publique en Afrique”, disait un communiqué. Pierre Péan affirme également que les activités de Bernard Kouchner au Congo et au Gabon se sont télescopées avec le fonctionnement de la diplomatie française. Au moment où, selon lui, ces deux pays payaient leurs dettes aux deux sociétés, le secrétaire d'Etat français à la Coopération, Jean-Marie Bockel, placé sous l'autorité de Bernard Kouchner, disait, le 15 janvier 2008, vouloir signer l'acte de décès de la “Françafrique”, qui désigne la relation privilégiée mais souvent opaque entre la France et ses ex-colonies. “À eux deux, le Gabon et le Congo ont commandé pour près de 4,6 millions d'euros de rapports à Iméda et Africa Steps ! Ils en veulent beaucoup à Kouchner d'avoir laissé son secrétaire d'Etat tenir des propos qu'ils considèrent comme désobligeants”, écrit Pierre Péan. Jean-Marie Bockel sera remplacé au mois de mars 2008. Mais le livre consiste essentiellement en une critique des positions politiques de Bernard Kouchner, en particulier sur le rapprochement avec le régime en place au Rwanda, et de sa proximité supposée avec les thèses américaines sur l'Iran, le Darfour et l'ex-Yougoslavie. “C'est à propos du Rwanda et de la nouvelle politique qu'il mène à l'égard de ce pays depuis son arrivée au Quai d'Orsay que je me suis vraiment intéressé à ce personnage”, reconnaît Pierre Péan, auteur d'un autre ouvrage controversé, Noires fureurs, blancs menteurs. Selon lui, cet ouvrage lui avait permis “de revenir sur une autre vérité officielle, selon laquelle, et pour l'éternité, tous les Hutus étaient des bourreaux et tous les Tutsis des victimes”. R. I./Agences