Dans un entretien accordé à El Watan, l'ambassadeur de France à Alger a largement commenté des sujets d'actualité régionale, particulièrement la crise libyenne. «L'Algérie n'est pas comparable même à la Tunisie, un pays proche», analyse-t-il au sujet du printemps arabe. - La situation en Libye a évolué très rapidement ces derniers jours. Les rebelles sont à Tripoli. Comment voyez-vous la suite des événements ? Ce qui était vrai il y a quinze jours, où l'on parlait de dialogue politique possible entre les différentes forces politiques, est dépassé. Maintenant, les opérations militaires sont en cours en Libye. Mais ce qui est sûr c'est que la priorité est que les combats puissent s'arrêter, que les autorités quelles qu'elles s'appellent – le gouvernement provisoire ou le Conseil national de transition (CNT) – puissent maîtriser le processus, rétablir la sécurité dans Tripoli et dans le pays, s'attacher à la concorde nationale et puis à reconstruire le pays avec l'aide de tous ceux qui seront du côté de la Libye, à la fois les pays du groupe de contact qui va probablement se transformer en groupe des amis de la Libye et vraisemblablement des pays de la région, c'est-à-dire de la Ligue arabe et de l'Union africaine. - L'Algérie a été remarquablement critiquée par le CNT qui, faut-il le signaler, a marché la main dans la main avec Paris dans son action armée lancée contre le régime d'El Gueddafi. Quelle est la position officielle de la France ? La seule position officielle de la France que je connaisse, c'est ce qu'a dit M. Alain Juppé, lorsqu'il est venu à Alger, à M. Medelci et au président de la République. Il y a eu des explications de part et d'autre. Les Algériens ont donné certaines explications. Je m'en tiens à cela. - La France souhaite-t-elle que l'Algérie reconnaisse le CNT, à l'instar des deux pays maghrébins que sont la Tunisie et le Maroc ? Je crois que la position de l'Algérie, telle qu'on me l'a expliquée, est de reconnaître les Etats, pas les gouvernements. Il y a un Etat libyen qui sera dirigé par un gouvernement libyen, qui sera peut-être une émanation du CNT élargi. Je comprends que l'Algérie va plutôt inscrire sa position dans un processus régional avec l'Union africaine et la Ligue arabe. Mais, je n'ai pas l'impression qu'il y aura une action analogue à celle de la Tunisie ou du Maroc. L'Algérie avait encore jusqu'à ces jours-ci une ambassade à Tripoli, et il y a une ambassade de Libye à Alger. En passant ce matin, j'avais vu qu'il y avait de nouveaux locataires… Voilà, il y a donc à la fois des problèmes d'ordres diplomatique et politique qui relèvent d'une décision politique algérienne. En même temps par le fait même qu'il y ait une ambassade d'Algérie en Libye et une ambassade de Libye avec de nouveaux occupants à Alger, il y a des problèmes d'ordre pratique ou protocolaire… Mais enfin, l'histoire s'accélère d'heure en heure. Chaque chose en son temps. Et puis, comme l'Algérie se dit préoccupée par ce qui se passe en Libye et les implications sur sa frontière, j'imagine que les autorités réfléchissent et travaillent à d'autres évolutions du processus. Mais pour revenir à la question de tout à l'heure sur la France, je sais que M. Alain Juppé était en relation, très récemment, avec un certain nombre de pays, notamment le Qatar, pour envisager la possibilité de tenir une réunion avec ce qu'on appelle le groupe de contact au Qatar ou peut-être sans doute à Paris pour discuter de l'avenir de la Libye et de l'aide que pourront apporter un certain nombre de pays qui se sont engagés jusqu'à présent aux côtés du CNT. - L'engagement précipité de la France en Libye était d'autant plus inattendu qu'il n'y a pas longtemps la visite d'El Gueddafi à Paris a mérité tous les soins et les honneurs réservés aux chefs d'Etat. Qu'est-ce qui a changé entre-temps ? Beaucoup d'autres ont reçu El Gueddafi… ! On a été, je pense, très marqué par les événements de Tunisie et d'Egypte. Et pour avoir assisté notamment à un colloque à Paris, qui a eu lieu fin avril à l'Institut du monde arabe sur ce qu'on appelait à l'époque, peut-être abusivement, «le printemps du monde arabe», M. Alain Juppé a dit qu'«on a peut-être eu tort, nous Français, de croire que la stabilité devait l'emporter sur la démocratie». Et dans le fond, certains pays occidentaux, pas seulement la France, ont privilégié la stabilité d'un certain nombre de régimes (en Egypte, en Tunisie et en Libye) par rapport aux besoins démocratiques. On n'a peut-être pas suffisamment été à l'écoute des peuples. - Et que dites-vous à l'Algérie à ce propos ? Ce n'est sûrement pas à nous de dire à l'Algérie ce qu'il faut penser. L'Algérie a une grande politique étrangère et une tradition diplomatique. C'est aux autorités algériennes de définir leurs orientations. - Est-ce qu'il n'y a pas d'inquiétudes sur la situation sécuritaire au Sahel ? Nous sommes très concernés, nous Français, parce que nous avons nos intérêts en Afrique. Non seulement par des intérêts économiques, mais aussi parce que pas mal de Français habitent dans ces pays-là (en Côte d'Ivoire, au Niger, au Sénégal, en Mauritanie). Nous avons des populations françaises qui y habitent. Nous sommes intéressés et impliqués par ce qui se passe dans cette région qui est devenue instable. Et puis, il faut reconnaître que ce sont les intérêts français qui sont le plus ciblés, que ce soit au Niger, au Mali ou ailleurs. Donc, nous ne sommes pas indifférents. Nous avions eu des discussions avec les autorités algériennes sur le Sahel et nous avons salué leur évolution politique et diplomatique sur la région. - Permettez-moi de revenir à la question précédente sur le dialogue politique que vous menez avec l'Algérie compte tenu du printemps arabe. Le 14 juillet dernier, vous avez déclaré que vous soutenez les réformes politiques engagées en Algérie… Nous avons des contacts réguliers avec nos interlocuteurs algériens, que ce soit sur la Libye ou sur les changements dans le monde arabe. Et nous avons dit que ce qui se passe en Libye est important. On avait des divergences d'opinion assez larges sur l'intervention de l'OTAN. Quant au processus de réformes dans le monde arabe, on a parlé de printemps arabe. En fait, il y a eu «un hiver» en Tunisie qui a commencé en décembre et puis un hiver en Egypte… Côté français, ou même côté européen, on a voulu – peut-être par simplification ou par commodité – mettre tout le monde ensemble. Ainsi, des politiques et les observateurs se sont dit que, comme il y a 20 ans, il y a eu la chute du mur de Berlin avec des dominos qui sont tombés les uns avec les autres, alors il est en train de se passer la même chose dans le monde arabe et c'est pour cela qu'on parlé d'«un printemps arabe», en disant finalement que ça va se produire un peu partout. Mais en ce qui concerne l'Algérie, je crois que parler globalement du printemps arabe est une fausse «bonne idée». Parce que chaque pays a ses spécificités, on ne peut pas comparer l'Algérie à la Tunisie et encore moins à la Libye. En effet, le système de pouvoir n'est pas le même, le rôle de la presse est différent en Algérie de ce qu'il était en Tunisie, de ce qu'il a été en Libye, en Syrie… Mais aussi parce que l'Algérie a connu un certain nombre de bouleversements pendant plusieurs années. L'Algérie ne peut être comparée même à la Tunisie, un pays qui est proche. Donc chacun à son rythme propre. J'ai dit le 14 juillet que nous suivons et encourageons les réformes en Algérie mais que, évidemment, ces réformes se font au rythme propre algérien qui est différent de ce qu'il est au Maroc et en Tunisie ou dans des pays plus à l'est. Mais, il y a quand même un mouvement général, un élan, et aucun pays ne peut s'exonérer des réformes, pas plus le Maroc que l'Algérie ou les monarchies du Golfe. Il y a un facteur commun. - Est-ce à dire donc que vous réfutez la lecture selon laquelle les sociétés des pays de la région exigent la démocratisation du pouvoir ? Non. Je dis tout simplement que c'est un raccourci commode de dire qu'il y a un printemps arabe et que ça doit concerner tout le monde de la même façon. - Et pourquoi pas ? Parce chacun le fait selon ses propres modalités. De même qu'en Europe, les évolutions et les révolutions se sont faites dans divers pays de manière différente. La révolution française a débouché sur des déviations, en Angleterre ça été un processus plus lent, plus apaisé, plus collégial. Ce serait être présomptueux de dire que tout le monde doit faire la même chose, tout le monde doit avoir le même type démocratique et chacun aura un barème avec des notes ? On ne peut pas procéder comme cela. - La semaine dernière, l'ambassadeur américain en Algérie a déclaré que la démocratisation des pays arabes arrange les intérêts américains. Peut-on dire la même chose de la France ? Je ne vois pas très bien ce qu'on veut dire par arranger les intérêts... Je crois qu'on soutient les réformes parce que c'est dans l'intérêt des peuples de la région de suivre ces réformes, alors si cela nous arrange accessoirement, c'est tant mieux. - En fait, la France a-t-elle abandonné la théorie de stabilité des régimes au profit de leur démocratisation ? C'est peut-être là aussi un raccourci abusif. Je crois que tout pays, la France, comme les Etats-Unis, l'Algérie ou d'autres, ont intérêt aussi à une certaine stabilité. On a constaté avec ce qui s'est passé depuis le mois de janvier que la stabilité n'est pas le seul critère. Et que la démocratie si elle peut se conjuguer avec la stabilité c'est encore mieux.
- Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, a effectué plusieurs visites en Algérie ces derniers mois pour relancer la coopération économique entre les deux pays. A-t-on fait bilan de ces actions ? Il est important de mettre en perspective le fait que nous allons être à la veille d'élections législatives en Algérie et d'élection présidentielle en France en 2012. Et, si l'on essaie de faire un arrêt sur image, on se rend compte que l'on est passé par des phases complexes ces dernières années. Il y a eu la période chaleureuse de Jacques Chirac en 2003 et 2004. En 2005, la loi sur la colonisation a créé des difficultés dans nos relations bilatérales. Après son élection en 2007, le président Sarkozy a consacré ses deux premiers voyages à l'Algérie. Le Premier ministre, François Fillon, est également venu en Algérie. A mon arrivée à Alger, il y a eu rupture. Je suis arrivé au mauvais moment. Il y a des difficultés comme l'affaire Hasseni, celle des moines de Tibhirine, la liste noire aérienne, les questions de repentance, le film Hors-la-loi, et j'en passe. C'était une période de relative glaciation pendant deux ans. Depuis octobre 2010, il y a eu expression de volonté de part et d'autre de faire une sorte de «Reset» informatique. Il faut qu'on se dise des choses pour essayer de repartir de bon pied. Des personnalités telles que Valls, Chevènement et Plantu sont venues en Algérie pour essayer de passer des messages et pour ne pas rompre les ponts. Il a été décidé en haut lieu de l'Etat, et des deux côtés, de regarder les choses positivement. Nous avons des désaccords sur un certain nombre de choses. - Par exemple ? Les questions dites de repentance, sur un certain nombre de dossiers économiques, sur les visas. Il y a des tas de sujets. On peut en trouver tous les jours. On sait qu'ils existent mais cela ne va pas nous empêcher de parler d'autres dossiers, notamment économiques. Il y a décision de nommer des deux côtés un coordinateur pour essayer de booster les relations économiques. On a abusivement présenté Jean-Pierre Raffarin comme «Monsieur Algérie». M. Raffarin est chargé uniquement des dossiers économiques. Dans le contexte actuel, les difficultés que connaissent la Tunisie, l'Algérie et d'autres pays de la région sont liées – c'est commun – à la crise de la jeunesse. Une jeunesse qui exige de plus en plus de choses. Elle réclame des emplois, des logements, des connexions internet, etc. Aujourd'hui, tout le monde est connecté aux standards internationaux. Il serait bien – tant mieux si cela arrange nos intérêts – de répondre aux besoins de la société en aidant l'Algérie à créer des emplois. Dans ce domaine, les entreprises françaises peuvent apporter leur contribution. Cela arrange autant les intérêts de nos entreprises que ceux de l'Algérie (…) Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a donné à Claude Guéant (?), une liste de dossiers économiques qu'il voulait voir aboutir comme Alstom, Saint-Gobain, etc. Sur douze dossiers, dix ont été réglés définitivement. - Et qu'en est-il à propos du dossier de Renault ? Il y a encore deux dossiers en cours de discussion. Les dossiers de Renault et Total sont plus compliqués que les autres. Il s'agit de gros dossiers. Pour Total, l'investissement est estimé à 4,5 milliards d'euros. - Quelle est la difficulté avec Renault ? Il s'agit de questions techniques liées à des besoins en gaz. Ce n'est pas lié au prix. Cela a trait à la capacité de l'Algérie de fournir un type particulier de gaz. C'est trop compliqué pour moi. Il y a aussi des difficultés pour la localisation du projet. L'accord a été signé en 2007, lors de la visite de Sarkozy. L'accord est arrivé à échéance fin juillet 2011. L'idée est donc de le proroger pour ne pas laisser tomber le projet. Le projet Renault est stratégique pour l'Algérie. Il ne s'agit pas de créer une usine mais une filière industrielle. Ce qui est quand même plus compliqué. Cela implique toutes les sphères économiques. Il y a à la fois l'importation des produits pour fabriquer des voitures, la commercialisation, la sous-traitance, la localisation d'une usine… C'est un sujet compliqué qui n'est pas réglé. - Renault et Total tiennent-ils à leurs projets en Algérie ou vont-ils abandonner ? Quand j'ai rencontré les responsables de ces deux groupes fin juillet, ils m'ont dit qu'ils tiennent à leurs projets en Algérie et qu'ils n'envisagent pas de baisser les bras. Pour Renault, il y a une volonté politique de part et d'autre pour faire avancer, et si possible faire aboutir ce projet. C'est un projet structurant pour l'Algérie. Il est important pour ce pays d'avoir une filière automobile. Il y a des problèmes d'ordres commercial, industriel et financier qui se posent pour le projet et qui sont plus compliqués qu'on le pense. Pour Total, je crois que cela est lié à une réflexion entreprise en Algérie sur l'avenir de l'industrie pétrochimique. C'est plus compliqué pour Total. Jean-Pierre Raffarin a reçu une deuxième lettre de mission du président de la République. Il s'agira pour lui de reprendre les dossiers qui n'ont pas abouti et se charger des autres projets. Il y a une volonté du côté français de contribuer aux investissements en Algérie… - On reproche souvent aux entreprises françaises de faire plus de commerce que d'investissement ! On me dit toujours cela ! Le nombre d'emplois créés par les entreprises françaises en Algérie est important. Idem pour les projets nouveaux mis bout à bout. Alstom, qui s'est chargé du tramway d'Alger, importait ses rames de France et d'Espagne. Alstom va, à partir de maintenant, construire avec Ferrovial des rames à Annaba. Cela donne à l'Algérie un savoir-faire industriel et contribue à créer des emplois dans la région de Annaba. C'est bénéfique pour Alstom également puisqu'il existe dix-huit projets de tramway en Algérie : à Oran, Sétif, etc. Les Algériens préféreront acheter les trames construites à Annaba que d'importer. C'est gagnant-gagnant. Il ne faut donc pas dire que les entreprises ne font que le commerce (…) Rien que pour le projet Total, 4500 emplois seront créés. La France ne dit pas je vais investir 5 ou 6 milliards de dollars en Algérie. Les entreprises françaises définissent leurs projets en Algérie et ce n'est qu'après qu'on fait l'évaluation financière. - Il n'y a pas que la France qui a des relations économiques avec l'Algérie. D'autres pays comme la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, la Russie et d'autres sont présents. La France n'est-elle pas bousculée un peu ? Il est évident qu'on se sent bousculé. C'est le jeu de la mondialisation. Notre idéal est d'avoir un marché captif en Algérie mais ce n'est pas le cas. On ne peut empêcher les Chinois, les Turcs, les Coréens d'investir. Il est nécessaire, côté français, de se mettre en ordre de bataille pour ne pas être trop bousculé. Notre part de marché en Algérie baisse d'année en année. En 2010, la part de la France dans le marché algérien était de 15,1% contre 16,8% en 2007. La Chine est à 11%, l'Italie à 9,7%. Entre 2003 et 2007, notre part de marché est passée de 24% à 16,8%. Une perte de 7 points. - Les négociations autour de l'accord de 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France ont-elles avancé ? C'est un sujet difficile et délicat. Cela concerne tout le monde. Il y a aussi la dimension humaine. En France, le sujet est compliqué, politiquement sensible, pas seulement en période électorale. Cela est lié notamment à la santé économique de la France et à des prises de position politiques. Le débat est devenu permanent alors qu'il était épisodique par le passé. Certains font des amalgames faciles entre taux de chômage et immigration. L'accord de 1968 avec l'Algérie est la suite des Accords d'Evian. Des avenants ont été ajoutés à cet accord. Des discussions ont été lancées en 2010 sur la révision de cet accord. C'était plus un tour de chauffe qu'autre chose. Nous n'avons vraiment pas commencé les discussions. Des équipes de négociateurs se sont rencontrées à Paris et à Alger en 2010 et en 2011. - Pourquoi cet accord doit-il être révisé ? L'évolution du flux migratoire relève du droit européen. Le dispositif français évolue avec le droit européen. L'Algérie est figée dans le cadre de l'accord de 1968. Il y a des articles plus favorables à l'Algérie dans cet accord que dans le droit européen. A l'inverse, il existe des éléments plus positifs dans le droit français et européen de 2011 que dans l'accord de 1968. Les deux pays sont demandeurs pour mettre les choses à plat. Il est important d'avancer. - Pour le dossier des demandes algériennes de restitution d'archives, y a-t-il une évolution ? J'ai remis des lettres au directeur des Archives nationales algériennes de la part de son homologue français pour installer des groupes de travail et pour échanger des documents dans la perspective de 2012. Les Archives algériennes souhaitent organiser des expositions sur ce qui s'est passé il y a cinquante ans (2012 coïncide avec le 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, (ndlr). Elles ont besoin de documents qui sont en France, par exemple le premier appel du FLN de 1954. Un tract subversif à l'époque. Il a été donc ramassé par les militaires français. 2012 est d'abord l'anniversaire des Algériens. Ce n'est pas un sujet qui sera à l'origine de contentieux avec l'Algérie. Si accessoirement on fera des choses ensemble, on s'en réjouira. - Est-ce que toutes les archives seront dévoilées en 2012 ? Il y aura levée du secret sur un certain nombre d'archives, notamment militaires. Là aussi, la question est compliquée. A part quelques archives classées secret militaire, toutes les archives sont consultables en France par les chercheurs (…) Nous avons restitué à l'Algérie toutes les archives antérieures à 1830, des archives dites ottomanes. Nous avons remis toutes les archives privées. Des archives qu'on peut retrouver dans des ventes aux enchères. Maintenant, pour les archives de souveraineté, qui sont des archives de l'Etat français parce qu'à l'époque il n'y avait pas d'Etat algérien, comme les circulaires ou les notes du préfet d'Alger ou celui de Constantine, nous les considérons comme internes aux Français. Nous avons des divergences avec les Algériens sur ce point. Ces archives sont consultables en France, notamment au centre d'Aix-en-Provence. - Y a-t-il du nouveau par rapport au dossier des indemnisations des victimes des essais nucléaires français de 1960 dans le Sahara algérien ? A propos la promulgation de la nouvelle loi sur les indemnisations, une commission, composée de médecins, juristes, historiens, examine chaque dossier un par un. Des conditions sont précisées dans la loi et dans les textes d'application pour bénéficier des indemnisations. Cela concerne surtout les victimes militaires avec précision de périodes d'exposition et de types de pathologies. - Le président Abdelaziz Bouteflika devait se rendre en France en 2009 pour une visite officielle. La visite a été annulée sine die. Aura-t-elle lieu ? Cette visite est souhaitée. C'est aux Algériens de le décider. En 2009, nous étions dans la phase de glaciation. Cette période est dépassée. Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, lors de sa visite à Alger, a parlé de «particulière embellie» dans nos relations, le président Bouteflika a évoqué «les réelles avancées» alors que le Premier ministre Ahmed Ouyahia a estimé qu'il y a «un nouveau momentum». Trois expressions positives. - Partagez-vous le point de vue du socialiste François Hollande sur le passé colonial de la France en Algérie ? François Hollande a dit : «Je souhaite que des choses soient dites franchement.» Tout le monde peut souscrire à cette phrase. Cela ne veut rien dire. La presse algérienne a écrit que si François Hollande sera élu président de la République, la France présentera des excuses à l'Algérie. Ce n'est pas ce qu'il a dit. En 2007, le président Sarkozy a dit aussi des choses en Algérie (il a déclaré que le colonialisme était injuste, ndlr) - Compte tenu de l'accélération des événements au Maghreb et au Moyen-Orient, l'Union pour la Méditerranée (UPM) est-elle toujours d'actualité ? L'UPM est d'actualité. Si tous les pays méditerranéens étaient aux mêmes standards démocratiques, il est évident que le dialogue serait plus facile. Mais, il faut reconnaître, ça ne marche pas… - Hosni Moubarak, le président égyptien déchu, était vice-président de l'UPM… Pour des raisons évidentes, le processus de l'UPM est bloqué. Des choses doivent être dites, pour reprendre l'expression de tout à l'heure. Il y a la réalité. On ne peut pas convoquer une réunion de l'UPM demain à Barcelone pour évoquer le flux migratoire. La priorité en ce moment est la stabilisation de la Libye et de la Syrie. - Ce qui se passe en Libye devra-t-on l'appeler «le printemps libyen» ou «l'hiver libyen» ? C'est de la sémantique ! Les choses évoluent tellement vite, on ne peut rien avancer sur l'évolution de la situation sur le terrain. La priorité est la fin de la guerre civile en Libye. Ce n'est ni un printemps ni un hiver. La prochaine autorité, incarnée aujourd'hui par le CNT, doit stabiliser le pays