Les anciens membres du Conseil national de transition (CNT), organe législatif non élu mis en place sous Liamine Zeroual, étaient-ils plus proches de la population et plus aptes à se soumettre au contrôle populaire que les députés élus du Parlement pluraliste d'aujourd'hui ? Une chose est certaine, c'est que les représentants de l'ancien Conseil national de transition déclinés en leur temps comme des serviteurs du pouvoir et non du peuple apparaissent aujourd'hui très en avance par rapport à la classe politique. Le projet de loi relatif à la lutte contre la corruption adopté il y a quelques jours par l'APN dans un climat de vive polémique, notamment son volet concernant la déclaration de patrimoine des élus et des cadres des exécutifs de l'appareil de l'Etat a montré tout le décalage existant entre le Parlement actuel, la société et son environnement politique. Ce texte de loi apparaît, en effet, très en retard par rapport à « la proposition d'ordonnance relative à la déclaration du patrimoine et des revenus des personnes exerçant des fonctions publiques, d'autorité et des titulaires des mandats électoraux ou de fonctions électives » adoptée par le Conseil national de transition en 1997. Le projet de loi présenté cette semaine devant l'APN est une copie conforme de l'ordonnance promulguée sous Zeroual après son approbation par le CNT. Même l'article 7 par qui le scandale était arrivé dans les chaumières du FLN et de Hamas qui l'avaient rejeté dans sa lettre et dans son esprit est repris presque mot à mot de l'ordonnance de 1997 laquelle dans ses dispositions particulières codifie clairement toute entorse à la déclaration de patrimoine par les personnes concernées. RIEN DE NOUVEAU Deux articles 13 et 14 et non pas uniquement un seul qui fut de surcroît l'objet de tirs groupés par les députés du FLN et de Hamas étaient prévus par l'ancienne ordonnance sur la déclaration de patrimoine. L'article 13 dispose que « le défaut de production de la déclaration dans les délais prévus (...) entraîne la mise en œuvre des procédures de déchéance de mandat électif ou de fin de fonctions dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ». L'article 14 portant sur les sanctions pénales concernait le défaut de production de la déclaration dans les délais, après la cessation des fonctions ou du mandat électif ; un manquement puni d'une amende de 50 000 à 150 000 DA sans préjudice des poursuites pénales éventuelles. Le nouveau texte de loi soumis à l'APN n'apportait donc rien de nouveau par rapport à l'ancienne ordonnance sur ce registre particulier de la déclaration de patrimoine qui fait les gorges chaudes des deux partis de la coalition gouvernementale, le FLN et Hamas. Il n'a fait que réaffirmer des principes auxquels tout élu ou haut responsable de l'Etat intègre et au-dessus de tout soupçon ne peut ne pas y adhérer. Les « députés » du CNT qui avaient légiféré pour eux-mêmes et pour la société à l'époque n'avaient-ils pas mesuré les enjeux de ce texte de loi pour le voter les yeux presque fermés ? Ce serait bien évidemment leur faire injure que de le penser. Car quoi que l'on puisse penser de cette instance de transition, ses représentants de l'époque ont le mérite - tout au moins sur cette question épineuse - de n'avoir pas succombé à la tentation de défendre des intérêts particuliers au détriment des intérêts de la collectivité. On ne comprend alors que mieux pourquoi l'ordonnance de 1997 a été purement et simplement abrogée dans le sillage du projet de loi sur la corruption soumis à l'APN cette semaine. Il fallait jeter le bébé avec l'eau du bain pour enterrer l'article 7. Au lieu de venir avec un projet de loi complétant et modifiant l'ordonnance de 1997, on a préféré la solution radicale de proposer carrément un nouveau projet pour ne pas être prisonnier de ce texte qui était valable sous Zeroual mais qui ne l'est plus aujourd'hui pour les deux partis de la majorité parlementaire que sont le FLN et Hamas. La société algérienne avance, sa classe politique recule.