Les mosquées sont supposées être des lieux de prière, de recueillement et de rapprochement entre êtres humains. La présence dans «la maison de Dieu», n'est-t-elle pas censée permettre au musulman d'atteindre un état supérieur ? Est-ce le cas à Batna? Les mosquées deviennent les lieux d'incitation à une nouvelle forme de violence, qui prend pour cible la femme. Des imams d'obédience salafiste, concentrent sciemment leurs discours de haine sur les femmes. Ces dernières sont pour ces hommes, responsables de tous les maux dont souffre la société. «Les jeunes ne travaillent pas parce que les femmes ont occupé tous les postes de travail ; l'adultère est commis par la faute de ces femmes qui sortent avec des habits provocateurs puis elles viennent se lamenter du comportement des hommes; c'est normal qu'il te regarde quand tu lui fais voir ce que Dieu t'a demandé de dissimuler sous ton hidjab; gardez vos filles chez vous, qu'elles limitent leurs pas à l'extérieur de la maison.» Ceci n'est qu'un extrait d'un prêche du vendredi, de la part d'un imam zélé sévissant dans la mosquée de la cité des Chouhada, tel que rapporté par une mère de famille qui semble profondément influencée. On pourrait croire que ce prêche n'est qu'une exception, et qu'il ne s'agit que d'un imam qui en fait trop, mais en répétant ces mots à d'autres personnes qui fréquentent régulièrement les mosquées, grande était notre surprise de découvrir autre chose. «Il n'a rien dit celui-là, vous seriez étonné de savoir de quoi ils nous parlent ces imams. J'étais dans une mosquée sur la route de Tazoult et comme j'ai vu que le bonhomme ne m'apprenait rien de bien, j'ai changé vers une autre, au quartier Zouhour, mais c'est la même chose presque partout. Cela fait un moment que je n'ai pas remis les pieds dans cette mosquée à cause de ces grossièretés», témoigne un jeune cadre de la wilaya de Batna. Un autre cadre, responsable à la daïra de N'gaous, jure lui aussi qu'il ne se rend plus à la mosquée. «Je ne vais pas à la mosquée pour entendre un autre insulter ma femme», s'indigne-t-il. Selon ce cadre, l'imam de la mosquée de son quartier rabâche, à chaque fois, le sujet de la femme qui, soi-disant doit s'enfermer à la maison pour éviter la «fitna» et laisser les pauvres hommes vivre leurs vies ! «Gardez vos femmes chez vous. Pourquoi les laisser sortir et faire le marché? Pourquoi vous ne faites pas attention à ce que portent vos filles à l'extérieur? Nos pauvres jeunes en perdent la tête avec toute cette provocation». Un discours fort que certains jeunes utilisent comme excuse pour empoisonner la vie des filles, et même des femmes mariées, dans les rues. «Ils draguent de façon agressive et lorsque quelqu'un intervient pour les stopper, ils lui répondent: elles n'ont qu'à rester chez elles, elles font quoi dans la rue, qui lui a demandé de porter ce jean ou cette robe?» nous ont rapporté les jeunes filles avec lesquelles nous avons pu nous entretenir sur le sujet. Les prêches des imams dans les mosquées ont visiblement leur effet sur le comportement des hommes, les jeunes surtout, qui traitent les femmes, sans exception, de provocatrices. Pour ces femmes devenues la cible d'énergumènes se réclamant de la religion, il s'agit en définitive d'un problème d'insécurité. Les services de sécurité ont le devoir de protéger tous les citoyens, sans exception, et sécuriser les lieux publics. La direction des affaires religieuses porte, quant à elle, toute la responsabilité vis-à-vis du contenu des prêches de ces imams.