Le consul général de Paris : ... Sa lutte, le peuple algérien l'avait inscrite dès la Déclaration de Novembre, dans le cadre des valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité qui, depuis la Révolution de 1789, sont universelles... ... Vos positions lucides et courageuses ont inspiré beaucoup de ces jeunes conscrits, appelés et rappelés, qui eurent l'audace de refuser de combattre un peuple en lutte pour sa liberté, et qui montrèrent ainsi plus de force d'âme et de générosité que tous ceux qui n'avaient en vue que la paix des cimetières. ... Vous nous avez appuyés partout, si bien que grâce à vous, une large frange du peuple de France avait fini par comprendre que la colonisation n'avait pas, ne pouvait pas avoir d'effet bénéfique, et qu'elle n'était en fait, dans le fond comme dans la forme, que le pillage organisé d'un pays, au profit d'une infime minorité, avec, comme corollaire, la paupérisation de tout un peuple et la négation de sa culture et de sa civilisation. ... Dans les prétoires, vous vous êtes dressés à nos côtés contre une machine judiciaire mise en branle pour nous broyer. ... Par votre action, votre vision de l'avenir, à une époque où s'entrechoquaient les passions et les haines, vous avez préservé l'essentiel des relations entre nos deux peuples. ... Si nos deux pays envisagent aujourd'hui la signature d'un traité qui scellera leur amitié, une amitié résolument tournée vers l'avenir, comme l'a dit le président Bouteflika, c'est un peu grâce au discernement, au courage et à la lucidité dont vous avez su faire preuve en des temps difficiles. L'ambassadeur Missoum Sbih : La densité de notre présence est suffisamment significative. Actuellement, nous nous engageons librement avec la France dans un chemin qui doit nous mener à une relation nouvelle sur la base de valeurs et de principes que vous avez, vous-mêmes, courageusement défendus. Votre combat est toujours d'actualité. C'est la continuité d'un processus. Roland Dumas, avocat, ancien ministre socialiste des Affaires étrangères : Ma pensée va à ceux qui, connus ou anonymes, ont été révoltés par la guerre d'Algérie, à nos compatriotes qui ont accepté sans se renier de remettre en cause leur appartenance à la France. Ce n'était pas facile à l'époque. Un ministre avait dit alors : « Pour un traître, il faudrait douze balles, pour un demi-traître six balles suffiront. » Nous sommes tous réunis ici, ensemble, car la cause était la même. Ce qui est important c'est que nous sommes réunis dans la même pensée, la même reconnaissance. Vous aussi, Algériens, avez droit à notre reconnaissance, vous nous avez réconciliés avec la vraie France. La communauté que nous avons créée ce soir est reconnaissante, car vous nous avez conciliés avec nos sources. Nous étions minoritaires, isolés, critiqués, bafoués et rejetés. Nous avions connu toutes les menaces et la réalité des sanctions. C'est un vrai réconfort de se retrouver entre Français et Algériens qui ont posé la première pierre de cette Algérie nouvelle. Nous avons su reconstituer une communauté de fraternité. A notre tour nous devons vous être reconnaissants. Jacques Vergès, avocat : Quand le colonialisme était menacé, il avait jeté le masque : viols organisés, tortures, camps de regroupement... Les hommes et les femmes que nous avons eu à défendre dans des procès portaient les stigmates des tortures, une œuvre d'Etat, ce n'était pas le marquis de Sade... A Paris, le Garde des Sceaux, des démocrates schizophrènes parlaient de droits de l'homme ! Des démocrates ont voté une loi qui fait référence au rôle positif de la colonisation ! Le Traité d'amitié entre l'Algérie et la France ne pourra se faire que dans la clarté. ...Je ne veux pas prendre cette médaille au titre de la reconnaissance du peuple algérien. Nous nous sommes battus ensemble... Cette schizophrénie des démocrates occidentaux est d'actualité. Au nom de qui fait-on la guerre en Irak ? On parle de démocratie pour l'Europe, mais pas ailleurs. On a détruit le mur le mur de Berlin, mais on en a construit un de plusieurs kilomètres au Proche Orient. Ce combat que nous avons mené pour l'indépendance de l'Algérie, nous devons le continuer, la guerre en Algérie contre l'occupation coloniale a été une école du nationalisme. La guerre d'Algérie nous a appris l'internationalisme et la solidarité avec ceux qui se battent contre l'oppression. Ce combat continue en Irak, en Palestine. Nicole Dreyfus, avocate, rappelle le chant des partisans : « Ami, si tu tombes, un ami sort de l'ombre », souligne-t-elle. Ces paroles illustrent de façon remarquable les liens entre ceux qui luttaient contre les privilèges, pour la commune, dans la résistance et plus modestement un devoir de solidarité et de fraternité à l'égard du peuple algérien, comme nous. Alain Gresh, fils de Henri Curiel : L'héritage que nous avons reçu, ce n'est pas seulement une page d'histoire... Le colonialisme n'a pas d'aspects positifs... Les lignes de clivage ne sont pas entre les nations ni entre le monde occidental et le monde musulman, elles sont celles du combat pour la justice, contre l'oppression. Ce combat commun pour des principes qui continuent à nous guider traverse les frontières.