Reconnaître les crimes du 17 Octobre 1961, c'est aussi ouvrir les pages d'une histoire apaisée entre les deux rives de la Méditerranée. En 2012, l'Algérie fêtera cinquante ans d'une indépendance qui fut aussi une déchirure française. A l'orée de cette commémoration, seule la vérité est gage de réconciliation. «Ni vengeance ni repentance, mais justice de la vérité et réconciliation des peuples : c'est ainsi que nous construirons une nouvelle fraternité franco-algérienne», demandent plus d'une centaine d'intellectuels, de personnalités politiques et de la société civile, dans un appel en ligne sur le site de Médiapart, ouvert à signature. Ils rappellent qu'«il y a cinquante ans, le préfet de police de la Seine, Maurice Papon, avec l'accord du gouvernement, imposa un couvre-feu visant exclusivement tous les Français musulmans d'Algérie». Ce couvre-feu raciste entraîna une réaction pacifique des Algériens, sous la forme d'une manifestation dans les rues de Paris. Au soir du mardi 17 octobre 1961, ils furent près de trente mille, hommes, femmes et enfants, à défiler pacifiquement sur les grandes artères de la capitale pour revendiquer le droit à l'égalité et défendre l'indépendance de l'Algérie. «La répression policière de cette protestation non violente est une des pages les plus sombres de notre histoire. Longtemps dissimulée à l'opinion et désormais établie par les historiens, elle fut féroce : onze mille arrestations, des dizaines d'assassinats, dont de nombreux manifestants noyés dans la Seine, tués par balles, frappés à mort.» «Le temps est venu d'une reconnaissance officielle de cette tragédie dont la mémoire est aussi bien française qu'algérienne. Les victimes oubliées du 17 Octobre 1961 travaillaient, habitaient et vivaient en France. Nous leur devons cette justice élémentaire, celle du souvenir. Parmi les nombreuses personnalités, qui ont déjà donné leur accord, on remarque notamment les noms des anciens résistants Raymond Aubrac, Stéphane Hessel et Edgar Morin ; du fondateur du Nouvel Observateur Jean Daniel, du directeur des Temps Modernes Claude Lanzmann et de celui de la revue Esprit, Olivier Mongin ; des philosophes Régis Debray et Alain Badiou, de l'écrivain et ancien éditeur François Maspero, de l'écrivain Didier Daeninckx, des professeurs au Collège de France Françoise Héritier et Pierre Rosanvallon ; des historiens André Burguière, Jean-Luc Einaudi, Gilles Manceron, Benjamin Stora, Tzvetan Todorov, Enzo Traverso, Françoise Vergès, Georges Vigarello ; des avocats Henri Leclerc, Jean-Pierre Mignard et Roland Rappaport ; enfin ceux de Florence Malraux, Alain Joxe et Mireille Fanon-Mendès France ainsi que de l'ancien Premier ministre Michel Rocard.»