En Algérie, dans la gestion du football professionnel, un entraîneur vaincu est perçu comme un incapable, un être inférieur et soumis qu'il faut vite remplacer par un étranger : un être supérieur et dominateur. Cette attitude s'exprime avec force lorsqu'il s'agit de la gestion de l'équipe nationale de football. En effet, la FAF estime, à tort ou à raison, que les problèmes soulevés, au sein de l'équipe nationale de foot, sont trop compliqués, d'une hauteur trop importante pour être résolus par un encadrement autochtone. Par ce type de «raisonnement», l'équipe nationale de football et son encadrement sont en voie de devenir «une sainte famille idéologique footballisée», qui n'aurait plus aucune relation sociale et politique avec la société. En fait, quand une fédération nationale opte pour une telle «conduite», elle a nécessairement la «mentalité magique» correspondante, ces deux choses vont ensemble et concourent à composer des attitudes et des représentations qui aboutissent à maintenir une communauté (le grand troupeau) dans une douce crétinisation. Le «mythe» de l'entraîneur étranger se construit, alors, refoulant toute critique et se proposant de devenir l'image même du réel. Un «mythe» qui participe à propager, au sein du mouvement sportif national, l'idolâtrie et la superstition avec leurs compléments : le sentiment de la dépossession et de l'aliénation. Les défaites de l'équipe nationale de football Oui, les défaites de l'équipe nationale traduisent l'échec cuisant d'un football qui n'a pas réussi son adaptation à la culture du football moderne : une activité à gérer méthodiquement, scrupuleusement, professionnellement. Car dans le football «avancé» et «organisé», tout bouge et chacun a la place qu'il mérite. Or, aujourd'hui, comment se porte le football en Algérie ? De quoi est-il capable ? Le professionnalisme mené depuis peu au sein des clubs, n'est-il pas impulsif, peu rationalisé, destiné simplement à faire réussir ceux qui ne devaient pas réussir ? Jadis, dans la glorieuse équipe du FLN, nourrie à la «gamelle», et à laquelle on éprouve toujours le besoin de retourner comme à une sorte de phare, il y avait du dépassement dans l'effort, de la confiance en soi, de l'identité visible. Dans celle de 1975, à l'époque où on ne se musclait pas pour de l'argent, il y avait de l'héroïsme : ce moment où les passions et les valeurs humaines se rencontrent, se complètent et s'enrichissent. Celle de 2011 est une équipe de «vacances», composée de joueurs qui ressemblent plus à leur temps qu'à leur père. Une équipe où il ne s'agit plus d'être soi par ce que l'on fait, mais par ce que l'on affiche: l'apparence. Le football : un style de jeu, un style de vie Partout, on apprend à jouer au football de la même manière, en répétant les mêmes techniques, en apprenant les mêmes tactiques, les mêmes systèmes de jeu. Mais paradoxalement dans chaque culture, le corps du footballeur, en résonance avec sa communauté et son environnement, produit un «style de jeu» singulier qui pose souvent problème à l'entraîneur étranger. Car cette façon spontanée de jouer (mais aussi de vivre) à son rythme, ne se négocie pas, elle est à prendre ou à laisser. Elle exprime un «caractère» (ce quelque chose en nous qui se déroule inconsciemment) et dont les qualités, pour Coubertin, sont : le courage, la persévérance, l'ingéniosité, l'endurance. C'est en ce sens, que la culture footballistique représente toujours un lien entre un «sol» et un «caractère». Elle nous enseigne qu'un match de football se présente comme une «guerre des caractères», une «guerre des styles». Aussi, entraîner une équipe nationale revient à gérer un «caractère bien trempé» L'équipe nationale : un symbole de combativité et d'excellence Aujourd'hui, si l'on discute tant et tant de l'équipe nationale de football, c'est parce que c'est «l'une des rares gouttes de colle qui cimentent encore la société». A elle seule, elle contribue à résumer l'organisation et les valeurs d'une société, en exhibant au grand jour une réalité présente effective : une équipe de onze joueurs exprimant un «patriotisme des profondeurs». Malheureusement, la culture algérienne ne rêve plus d'incarner le peuple dans un «modèle corporel performant». C'est ainsi que dans le système éducatif le «corps» reste une morphologie fermée, fait beaucoup plus pour «bouger» que pour «performer». L'école algérienne, cette grande institution culturelle où les grandes valeurs et finalités s'éteignent peu à peu et où tout le monde s'en fout, peine aujourd'hui à exercer le «corps» à construire sa «valeur physique», à façonner son «identité profonde», à discipliner ses «pulsions», à développer sa «performance». Car, l'«excellence sportive» est une éducation du don où tout est à battre, à dépasser, à surpasser. Savant montage de savoir-faire sportifs pointus, édifiés et transmis de génération en génération, elle laisse transparaître un «corps dynamique» en perpétuel adaptation avec les progrès sportifs mondiaux. Concourant à célébrer la vitalité du potentiel corporel et psychique d'une nation, l'«excellence sportive» sollicite l'instauration d'une «politique sportive audacieuse» et ce, afin de permettre à la jeunesse de s'initier à une «forme pure du mérite personnel» : la «compétition sportive». C'est le prix à payer, si l'on veut que notre jeunesse découvre une autre façon de «combattre» et de «vivre ensemble» avec des valeurs communes : l'effort héroïque, le respect de la règle et de la norme, le sens du tact et de la mesure.