La Libye est officiellement et concrètement dans l'après-Gueddafi, suite à la mort de ce dernier dans sa ville natale de Syrte, où il a été capturé puis tué. El Gueddafi fait désormais partie du passé. Une des pages les plus sombres et les plus longues qu'ait connues l'histoire de ce pays voisin. Les rebelles libyens, aidés par l'OTAN, viennent de mettre fin à 42 ans de dictature d'un guide qui aurait pu – si ce n'était son aveuglement et son avidité à vouloir garder le pouvoir et le léguer à ses enfants – éviter tout qui est arrivé à son pays et à lui-même. Les Libyens vont devoir donc passer à une autre étape, celle de la construction d'un nouvel Etat. Carrément sur de nouvelles bases. Mais de quoi sera faite la Libye de demain ? Le Conseil national de transition (CNT) est-il capable de mettre en place des institutions modernes et un Etat démocratique, lorsque l'on sait l'héritage du dictateur qui a maintenu son pays pendant près d'un demi-siècle dans un système unique de tribalisme et de non-Etat ? Tous les regards sont tournés aujourd'hui vers cette partie de l'Afrique du Nord pour voir de quel système accouchera la chute d'El Gueddafi. Le premier défi qu'auront à relever les responsables du CNT – que préside l'ancien ministre de la Justice sous le régime du guide libyen – est «la réconciliation et l'unité». En seront-ils capables ? Difficile pari avec la composante sociologique qui a mené la guerre contre El Gueddafi. Le CNT doit passer du statut de regroupement hétéroclite de tribus à celui d'institution capable de reconstruire le pays. Les premiers couacs montrent toute la complexité de la situation libyenne. Mahmoud Jibril, le président du Bureau exécutif, a beaucoup de difficultés à former son gouvernement. Il n'y est toujours pas arrivé. Dans une déclaration qu'il a faite avant le mort de Mouammar El Gueddafi, le n°2 du CNT prévenait : «Nous sommes passés d'une bataille nationale à une bataille politique qui n'aurait pas dû avoir lieu avant de fonder l'Etat.» Plus précis, il disait qu'ils se dirigeaient «vers une bataille politique alors que les règles ne sont pas encore définies». Les craintes du responsable de l'Exécutif au sein du CNT sont réelles et justifiées, mais ne sont pas pour plaire au chef militaire de Tripoli, Abdelhakim Belhadj, un islamiste qui a rejoint les rangs de la rébellion aux premières heures de la guerre contre le régime d'El Gueddafi. Ce n'est un secret pour personne que les islamistes, toutes tendances confondues, ont joué un rôle important dans le renversement du régime mis en place par le «guide». Est crédule celui qui penserait que ces derniers ne demanderont pas une part du gâteau, voire tout le gâteau. Le pays, dont la sociologie est maintenue à l'état brut – le conservatisme et le tribalisme sont les seules références qu'ait connues la société libyenne – semble visiblement s'y prêter.Même les Occidentaux qui soutiennent le CNT donnent l'air de s'en accommoder. Pas seulement : 60 pays ont reconnu l'organe provisoire qui a mené la guerre contre le régime de Tripoli. Et l'instance que préside Mustapha Abdeldjalil a rendu publique, début septembre, une «déclaration constitutionnelle» qui constituera une feuille de route pour l'après-Gueddafi. Le document en question prévoit un gouvernement de transition dans un délai d'un mois après la proclamation de la libération et des élections générales desquelles sera issue une assemblée élue dans huit mois. De non-Etat à la guerre, la Libye met un pied dans l'inconnu. Ce qui est sûr aussi, c'est que le sort des Libyens ne sera pas uniquement décidé à Tripoli ou à Benghazi, mais aussi dans les capitales occidentales qui ont fourni la logistique et sont intervenues militairement pour déloger le régime d'El Gueddafi et sa famille. Paris, Londres et Washington n'ont pas fait du mécénat.