L'information a été révélée par le ministre délégué chargé de la Ville, Abderrachid Boukerzaza, devant le Sénat, à l'occasion de la présentation du nouveau projet de « loi d'orientation de la ville ». Ce texte de loi prévoit notamment la mise en place d'« un observatoire national de la ville » dont la mission est « d'assurer le suivi de la politique de la ville et l'élaboration d'études et d'analyses pour améliorer et promouvoir la ville ». En Algérie, c'est devenu désormais un sport national chez nos décideurs : lorsqu'un secteur va mal, la seule et unique thérapie à laquelle on pense tout de suite, c'est l'antidote par la loi. A-t-on besoin d'un observatoire de la ville lorsque l'état détestable que présentent nos villes est une évidence qui saute aux yeux et qui s'observe à l'œil nu ? A-t-on besoin d'un nouvel arsenal juridique lorsque les lois existantes sont foulées aux pieds par le citoyen, et plus grave encore par l'Etat lui-même qui viole, dans certaines situations, ses propres lois, lorsque l'on voit l'anarchie dans laquelle s'est faite l'urbanisation du pays sous l'effet de plusieurs facteurs, et cela souvent dans l'impunité la plus totale ? L'Algérien rêve les yeux ouverts. Lorsque l'on entend le ministre délégué parler de la nouvelle « loi d'orientation de la ville », on a comme l'impression de revenir à chaque fois en arrière, à la case départ, alors que le monde avance et très vite. Ce genre de débat et de réflexion sur les grandes orientations de la politique de la ville est censé être cerné et définitivement scellé ; le défi d'aujourd'hui consiste à passer à la phase de concrétisation. Des projets ambitieux furent lancés au cours de ces dernières décennies, dont le plus important est la nouvelle capitale administrative de Boughzoul, dans les Hauts Plateaux à Djelfa. L'objectif assigné à cette nouvelle agglomération urbaine consistait à désengorger et soulager la capitale par le transfert de certaines de ses activités et services avec, à la clé, un mouvement de population important, estimé à trois millions d'habitants, des villes du Nord vers cette nouvelle mégapole. Le projet date des années 1970. La nouvelle ville de Boughzoul fait partie de la multitude de mirages et de prophéties lancés à grand renfort de publicité par les pouvoirs publics et dont les Algériens attendent toujours la concrétisation. Le projet a été déterré par le gouvernement en 2003, mais tout laisse penser dans la réalité que l'Exécutif n'en fait pas une priorité de son programme d'action. Il s'agit quand même d'une nouvelle capitale d'un pays qui suppose une mobilisation au quotidien de l'ensemble des moyens de l'Etat et la conjugaison de toutes les énergies ! Ce désintérêt ou manque de sollicitude qui caractérise le projet signifie-t-il une remise en cause de cette option ? Le lancement de la nouvelle ville de Sidi Abdellah, à la périphérie ouest d'Alger, apparaissait, pour beaucoup, comme une solution alternative au projet de la nouvelle capitale de Boughzoul, qui présente le désavantage d'être un peu trop excentrée par rapport à Alger, dont elle était censée servir de prolongement naturel. La nouvelle ville de Sidi Abdellah, située à quelques encablures de la capitale, répond à cette préoccupation. Mais là aussi, si les travaux de réalisation du nouveau projet avancent, on n'a pas, en revanche, le sentiment que l'on a affaire à un projet stratégique censé bouleverser la structure et l'organisation spatiale et fonctionnelle de la capitale. C'est dire qu'il y a déjà un lourd passif en termes de projets en souffrance, pour certains depuis plusieurs décennies, à apurer avant de se lancer dans de nouveaux projets et de nouveaux textes de lois qui finiront fatalement, comme les précédents, dans les tiroirs. L'Algérie paie aussi la rançon de l'instabilité chronique qui caractérise l'encadrement du ministère de la ville ainsi que de l'absence de continuité des projets initiés par ce département ministériel. Chaque nouvel Exécutif et nouveau ministre de la ville arrivent avec une nouvelle vision et politique de la ville qui font table rase des projets et réflexions en cours. Et comme Sisyphe n'est pas Algérien, on comprend alors pourquoi un projet qui date des années 1970, comme le projet de la ville de Boughzoul, n'a pas encore vu le jour et ne le verra peut-être jamais, tout au moins sous la forme de l'ambitieux projet originel de nouvelle capitale de l'Algérie.