Les éditions Nouveau Monde publient un ouvrage d'Emmanuel Blanchard La police parisienne et les Algériens 1944-1962. La répression des Algériens, qui s'est révélée massive lors du 17 octobre 1961, n'était pas une dérive conjoncturelle. La surveillance policière des Algériens n'a jamais cessé, au point de constituer des équipes spécialisées au sein de la police. La guerre d'Algérie transposée en France n'a fait que développer la radicalisation des méthodes de coercition. La possibilité de l'indépendance, après 1959, a focalisé la virulence de ceux qui pensaient que la torture des Algériens ou leur exécution pouvait arrêter l'inexorable marche de l'histoire. Pour Emmanuel Blanchard, la police parisienne a pris pour habitude après-guerre de qualifier de «problème nord-africain» la question des Algériens installés en région parisienne. L'auteur démontre que de 1925 à 1945, les Algériens ont été traités par une équipe spécialisée, la Brigade nord-africaine de la préfecture de police. Celle-ci dissoute, les «indigènes», devenus «Français musulmans d'Algérie», sont l'affaire de tous les personnels de police. «Au début des années 1950, l'émeute algérienne devient un sujet de préoccupation majeur, exacerbé par la répression féroce de la manifestation du 14 juillet 1953, place de la Nation.» Les policiers avaient, ce jour-là, empêché violemment les militants algériens de lever le portrait de Messali Hadj. Il y a eu plusieurs morts, dont des syndicalistes français. «Une nouvelle police spécialisée est alors reconstituée avec la Brigade des agressions et violences. Ses objectifs : pénétrer les milieux nord-africains et ficher les Algériens». Ensuite, entre 1958 et 1962, il faut désormais «éliminer les indésirables». C'est l'organisation de rafles, de camps d'internement et de retours forcés. Le préfet de police, Maurice Papon, reçoit un «chèque en blanc» pour combattre le FLN. Les massacres d'octobre 1961 incarnent le moment le plus tragique de cette période noire. Les mécanismes en sont éclairés par cette étude historique rigoureuse d'Emmanuel Blanchard, maître de conférences en science politique à l'Univers de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, fondée sur des archives et des témoignages inédits. Un autre livre paraît sur les renseignements généraux de la police, plus communément désignés sous l'acronyme de RG. Pour la première fois, un chercheur ouvre la boîte de Pandore de sources difficiles d'accès. La guerre de l'ombre, guerre d'Algérie, RG contre FLN, a été écrit par Laurent Chabrun, avec la collaboration de Benjamin Stora et publié aux éditions Jacob Duvernet. L'auteur rend public le dépouillement d'archives du ministère de l'Intérieur jusqu'alors confidentielles. On en sait plus désormais sur ce que savait le pouvoir au sujet du nationalisme algérien dans les années 1950 et 1960 et de tout ce qui concernait les luttes entre les militants du MNA et ceux du FLN. Avec ces informations, le général de Gaulle pouvait tirer les ficelles d'un jeu qu'il avait initié en 1958 et qu'il mit quatre ans à pouvoir réaliser, se débarrasser du conflit algérien. Enfin, chez Marine éditions, Jean-Luc Courtois (ancien policier) et Michel Lejeune (enseignant) publient le premier ouvrage synthétique sur Les CRS en Algérie, avec en sous-titre 1952-1962, la face méconnue du maintien de l'ordre. «Ils ont accompli leur mission dans la ligne droite du gouvernement de Paris et malgré les pressions des différents camps. Aux heures les plus sombres de cette période, ils ont su s'opposer aux militaires pour conserver aux compagnies républicaines de sécurité leur vocation de force civile».