Le manque de transparence rejaillit sur la gestion du dossier Djezzy qui ne cesse de multiplier les épisodes, s'enlisant dans une espèce de feuilleton à l'égyptienne. Les autorités en charge de ce dossier, dont le ministère des Finances, éprouvent de plus en plus de difficultés à élucider le mode procédural menant vers la reprise et/ou la vente de Djezzy à Vimpelcom, nouveau propriétaire d'Orascom Telecom Holding (OTH). Les nombreux détours, les flottements de la position algérienne qui tantôt se réclame irrévocable en s'agrippant à la décision de ne négocier qu'avec OTH et tantôt s'oriente, à voile et à vapeur, vers les investisseurs russes de Vimpelcom, font apparaître chaque jour un peu plus nettement un manque de transparence dans la gestion de ce dossier. Le dernier épisode en date d'une chronique «scandaleuse» évoque ce énième propos du ministre des Finances : «L'évaluation de la valeur de l'opérateur de téléphonie mobile Djezzy bute sur la conclusion d'un accord de confidentialité entre les autorités algériennes et Vimpelcom.» Il y a à peine une année, Karim Djoudi, approché par les journalistes dans les coulisses de la Chambre basse du Parlement, un jeudi 21 octobre, avait annoncé : «L'Algérie ne négociera le rachat de Djezzy qu'avec les responsables du groupe égyptien Orascom Telecom Holding (OTH).» Le 16 octobre dernier, le même ministre annonçait qu'il allait rencontrer le PDG de Vimpelcom et les entretiens devaient «porter sûrement sur le dossier d'Orascom Telecom Algérie (OTA)». Au lendemain de cette entrevue surprise, mais qui aura été imposée par le fait que Vimpelcom soit désormais le propriétaire d'OTH, le grand argentier du pays semble se rendre à l'évidence que les marchés et les règles de la finance internationale ont leur mot à dire. Le casse-tête Djezzy n'est plus cantonné dans le giron politique où il est né, mais a gagné le terrain économique. Pris en tenaille entre cette nouvelle donne imposée par l'arrivée de l'invité surprise sur l'échiquier et l'importance de sauver les meubles en imposant la règle de préemption, le gouvernement semble n'avoir de choix, tout compte fait, que de partager la poire en deux. OTH, lui, s'était retiré tranquillement sur son Aventin. Les responsables algériens se sont ainsi retrouvés face à un «honteux» remake de l'affaire Lafarge qu'ils peinent encore à digérer. Le ministre des Finances a usé, lundi dernier, d'un langage trop technique pour expliquer à la collectivité que l'évaluation de Djezzy, confiée au cabinet d'affaires français Sherman Sterling LLP, n'a pas encore abouti «parce que pour pouvoir faire une évaluation, il faut qu'on ouvre les data-rooms et pour ouvrir les data-rooms, il faut un accord de confidentialité et cet accord est tributaire d'un accord entre les deux parties». Dans cet accord de confidentialité, les autorités algériennes et le groupe russe Vimpelcom, nouveau propriétaire de Djezzy, «vont s'engager à ne pas dévoiler les contenus de la négociation ou de l'arrangement s'il y a un arrangement et les propositions y afférentes», a expliqué à l'APS un haut responsable financier qui a requis l'anonymat. Les autorités algériennes ont-elle peur de la transparence ? Pour le groupe russe coté en Bourse, il serait si hasardeux d'occulter cette transparence réclamée comme condition sine qua non pour l'accès aux marchés financiers. La confidentialité, telle que décryptée par les experts anonymes de l'APS, va concerner, en plus des propositions des deux parties, la cotation de l'action Djezzy sur le marché et l'évaluation patrimoniale. Une question s'impose : pourquoi le gouvernement s'applique-t-il à entretenir le flou autour de cette transaction et de la valeur patrimoniale de Djezzy ? Si Vimpelcom décide de s'accrocher aux règles de transparence imposées par les marchés, le gouvernement n'aura de solution que d'attendre la sentence de l'arbitrage international.