Le juge de la 8e chambre du pôle judiciaire spécialisé près la cour d'Alger a entendu, jeudi dernier, les représentants du groupe Sonatrach en leur qualité de partie civile dans le scandale qui a éclaboussé les dirigeants de la compagnie début 2010. Il les a sommés de répondre, dans un délai n'excédant pas 45 jours, aux questions de la chambre d'accusation. Ainsi, le nouveau PDG de Sonatrach doit expliquer au magistrat si les marchés objet de l'instruction ont causé un préjudice au groupe pétrolier et, si c'est le cas, il est tenu d'en évaluer le montant. Le magistrat a également demandé à Sonatrach de comparer les contrats objet de l'enquête avec d'autres, similaires, signés auparavant, c'est-à-dire en 2009 et après, soit en 2010. Ces questions entrent dans le cadre de l'enquête complémentaire exigée par la chambre d'accusation près la cour d'Alger, lors de l'examen du dossier, il y a près d'un mois. Dans cette enquête, en plus des deux questions qui concernent directement le groupe Sonatrach, le magistrat est tenu d'enquêter sur les biens immobiliers, fonciers, comptes bancaires et les véhicules, des 15 prévenus ainsi que leurs épouses, qu'ils soient acquis en Algérie ou à l'étranger. Cette requête a fait l'objet de deux commissions rogatoire, l'une délivrée vers la fin 2010 et l'autre au début de l'années en cours. Dans le cas où ces recherches s'avèrent positives, le magistrat devra ajouter dans le dossier l'inculpation du délit de «blanchiment d'argent» à tous les concernés. L'arrêt de la chambre d'accusation fait état du rejet de toutes les demandes de liberté provisoire introduites par les avocats des prévenus en détention, mais également de celles relatives à la levée du contrôle judiciaire au profit des mis en cause en liberté. Ce qui induit confiscation de tous les passeports, y compris pour ceux des prévenus ayant obtenu le non-lieu et le maintien des charges retenues à leur encontre. Néanmoins, la chambre a cautionné la correctionnalisation du dossier tel que décidé par le juge d'instruction, après avoir annulé la plus lourde inculpation, «association de malfaiteurs», contre les principaux mis en cause. Ainsi, pour les observateurs au fait de l'affaire, le juge d'instruction a évité d'aller en profondeur de ce scandale, certainement pour limiter les responsabilités uniquement aux 15 prévenus. Un dossier «banalisé» Le fait de banaliser le dossier et de le vider de toute sa substance sous-entend que la justice n'ira jamais loin dans cette affaire, en dépit du fait que des noms de personnalités ont été cités sans être impliqués. Il est connu de tous que Sonatrach n'était pas une compagnie où la prise de décision se limitait uniquement au staff dirigeant. Raison pour laquelle, peut-être, le juge a revu dans ses conclusions toutes les charges qui pesaient sur les mis en cause, à commencer par Mohamed Meziane, l'ex-PDG, qui a bénéficié d'un non-lieu pour 3 charges sur les 9, et qui ont conduit à sa mise sous contrôle judiciaire. Le magistrat a retenu «passation de contrat en violation de la loi sur les marchés publics dans le but de donner des avantages non justifiés, corruption, dilapidation et tentative de dilapidation de deniers publics, abus de fonction, conflit d'intérêt et blanchiment d'argent». Son fils Faouzi (en détention) a bénéficié d'un non-lieu pour 5 inculpations ; il est cependant poursuivi pour les délits de «complicité dans la passation de contrat avec une entreprise publique dans le but d'obtenir des avantages injustifiés, abus de fonction et blanchiment d'argent». Deux inculpations seulement ont été retenues contre Meziane Réda, à savoir «blanchiment d'argent et complicité dans passation de contrat en violation avec la réglementation des marchés publics». Le juge a, par ailleurs, retenu deux inculpations contre Al Smaïl Mohamed Reda Djaâfer (en détention) patron de Contel Algérie et du holding algéro-allemand Contel Funkwerk, qui a obtenu les 5 marchés de gré à gré pour la fourniture de matériel de télésurveillance ; il s'agit de «passation de marché avec une entreprise publique dans le but de bénéficier d'avantages injustifiés et d'augmenter les prix et de blanchiment d'argent». Les mêmes charges ont été retenues contre Maghaoui El Hachemi (ancien PDG du CPA) et son fils Yazid (tous les deux en détention), qui travaillent pour le compte de Contel et du Holding. Le juge a en outre inculpé la Sarl Contel Algérie ainsi que le groupe Contel Funkwerk en tant que personnes morales pour deux délits : «corruption et augmentation des prix». Il a en outre retenu une inculpation contre Méliani Nouria (sous contrôle judiciaire), patronne du bureau d'étude CAD, qui a obtenu le marché de la rénovation du siège de Sonatrach à Ghermoul, et contre Mohamed Sanhadji (sous contrôle judiciaire) ancien directeur des activités centrales du groupe, à savoir «passation de contrat en violation du code des marchés en profitant du pouvoir des agents». Pour leur part, Abdelwahab Abdelaziz (directeur exécutif) et Aït Al Hocine Mouloud (directeur technique des activités commerciales) sous contrôle judiciaire, sont poursuivis pour «passation de contrats en violation de la réglementation des marchés publics dans le but d'octroyer des avantages injustifiés». Les mêmes charges sont retenues contre Rahal Chawki (sous contrôle judiciaire), vice-président chargé de l'activité commercialisation, avec en plus un deuxième délit, à savoir «tentative de dilapidation», et Benamar Zenasni (en détention), vice-président chargé de l'activité commercialisation, avec une autre inculpation, celle de «dilapidation de derniers publics». Belkacem Boumediene (en détention), vice-président chargé de l'activité Amont, exploration et production, est, quant à lui, poursuivi pour «passation de contrat en violation avec la réglementation des marchés, dilapidation de deniers publics et abus de fonction».