Après dix années d'instruction et de bataille judiciaire, l'affaire liée au scandale des exportations de déchets ferreux et non ferreux revient ce mois-ci. Elle sera jugée le 18 décembre prochain par le tribunal criminel près la cour d'Alger. En tout, 19 accusés – 12 cadres des Douanes et 7 exportateurs – vont répondre des inculpations de «faux en écriture publiques et dilapidation de deniers publics» en vertu de l'arrêt de la chambre d'accusation près la cour d'Alger rendu le 21 octobre 2010, après une longue procédure judiciaire. Quelque 34 témoins à charge et à décharge sont convoqués pour cette audience tant attendue. L'affaire, faut-il le rappeler, a éclaté en novembre 2000 à la suite de la censure par la télévision de l'émission «El Mouhakik» consacrée aux pratiques frauduleuses constatées en matière d'exportation de déchets ferreux et non ferreux. Dans ce reportage, Mohamed Slimani, alors directeur des études à la direction générale des Douanes, dénonçait la «volonté délibérée» de sa hiérarchie d'occulter ce trafic. En juin 2001, il saisit le président de la République en lui transmettant un rapport détaillé sur ces fraudes, conforté par une enquête interne de l'administration des Douanes faisant état de trois gros dossiers : transfert illicite de devises et blanchiment d'argent grâce à la falsification de documents bancaires et douaniers. Le trafic aurait causé, de 1998 à 2001, un préjudice évalué à 20 milliards de centimes. Des pertes colossales Le deuxième dossier de fraude est celui des déchets ferreux, qui aurait engendré une perte financière de 12 à 15 milliards de centimes alors que le troisième a trait à l'importation d'équipements électroménagers dans le cadre du système SKD-CKD, qui permet aux importateurs de bénéficier d'une minoration de la TVA, quand il s'agit de kits destinés à l'industrie du montage. Or, de nombreux opérateurs importaient des produits finis et les déclaraient comme semi-finis pour bénéficier des avantages fiscaux. Ce qui a causé, selon toujours l'enquête, une perte financière de 10 000 milliards de centimes uniquement entre 1998 et 2001. En tout, les trois courants de fraude ont engendré un préjudice de 6 à 7 milliards de dollars. Un constat qui pousse la Présidence à instruire le ministre des Finances de diligenter une enquête sur les trois scandales, ainsi que sur un quatrième lié à l'importation de café de Côte d'Ivoire. Composée de représentants des ministères des Finances, du Commerce et des Douanes, la commission est chargée de passer au peigne fin les conditions de réalisation des opérations relatives aux déchets ferreux et non ferreux. Elle constate plusieurs infractions, telles que les fausses déclarations sur le poids de la marchandise, l'espèce et la valeur et surtout l'origine (souvent provenant de dégradations et de vols de câbles électriques, téléphoniques, disjoncteurs, glissières de sécurité en aluminium des autoroutes, etc.). La première affaire instruite par la justice est celle des déchets ferreux. Le juge va placer 5 cadres supérieurs de l'administration douanière sous mandat de dépôt et 8 douaniers sous contrôle judiciaire. Les mis en cause seront par la suite suspendus par leur hiérarchie. Liberté provisoire Quelques mois plus tard, les prévenus en détention bénéficient de la liberté provisoire et sont réintégrés dans leur poste. L'affaire commence à se faire oublier. De nombreux dossiers sont détruits ; d'autres sont remis aux calendes grecques et finissent par être touchés par la prescription. En 2007, la chambre d'accusation renvoie le dossier devant le tribunal criminel. Certains prévenus se pourvoient en cassation. Le dossier revient vers la chambre d'accusation, qui confirme la criminalisation. Son jugement est donc prévu pour le 18 décembre prochain.