Le directeur général des douanes affirme qu'en comparant le nombre de conteneurs déclarés par rapport au nombre débarqué, il ressort une différence d'environ 80 000 unités. Ces derniers constituent une présomption pour une bonne partie de fraude. Le directeur général des douanes, invité, hier, du forum du débat libre organisé par Djazaïr News, a encore une fois mis en valeur la prolifération de fausses déclarations à l'importation, l'étendu de la fraude et de la contrebande en Algérie. Il a, en outre, abordé, dans son intervention, le dossier des exportations des déchets de métaux ferreux et non ferreux. Exportations des déchets de métaux ferreux et non ferreux Ce dossier remonte à 2001. Le directeur général des douanes dit avoir décidé d'installer une commission d'enquête “moins d'un mois” après son installation. Le patron des douanes parle de deux périodes. De 1994 à 1997, 2 043 opérations d'exportations de déchets de métaux ferreux et non ferreux ont été enregistrées au CNI dont 513 dossiers ont fait l'objet de contentieux. De 1998 à 2000, il y a eu 1 976 opérations d'exportations de ce produit. Comme actions entreprises, le patron de la douane a évoqué la délégation du président de la commission pour dépôt de plainte globale “afin d'éviter la prescription”. Ce qui a été fait. La douane a demandé au ministère du Commerce la transmission des barèmes des valeurs des métaux ferreux et non ferreux. “J'ai trouvé, à travers le travail de la commission, qu'il n'y avait pas de barème des valeurs des métaux ferreux et non ferreux. Ce qui fait que les gens exportaient des métaux et jouaient sur la valeur”, souligne M. Lebib. En d'autres termes, le produit coûte par exemple 6 dollars, l'exportateur déclare à l'exportation 0,5 dollar, mais il le vend à 6 dollars. Le différentiel est laissé à l'étranger. Il y a, donc, un transfert illicite de capitaux et non-rapatriement de devises. “Le jour où le ministre du commerce, qui était à l'époque M. Medelci, nous avait remis le barème des prix, nos services opposaient ces prix aux exportateurs”, soutient le directeur général des douanes. Une alerte relative au contrôle des rapatriements des devises a été engagée. Lebib affirme que 929 demandes ont été transmises aux douanes étrangères pour authentifications. 727 aux douanes françaises et 157 aux douanes espagnoles, italiennes, suisses, portugaises et turques. “Généralement, ce sont les Français et les espagnols qui y ont répondu”, précise M. Lebib. Le patron de la douane soutient que les cadres de son institution étaient obligés de se déplacer vers certains pays pour les sensibiliser. “On leur a dit qu'il pouvait y avoir connivence avec le terrorisme”, révèle le directeur général des douanes. Résultat : les douanes algériennes ont reçu 314 réponses dont 274 parvenues des douanes françaises et 40 des autres douanes. Du coup, le procureur de la république a pris comme mesure conservatoire l'interdiction aux exportateurs-fraudeurs de quitter le territoire national. L'obligation a été faite aux exportateurs de déposer le justificatif du rapatriement des devises générées par les exportations et ce, à chaque opération entreprise. Néanmoins, les fraudeurs qualifiés par le patron de la douane “d'association de malfaiteurs”, louent des registres du commerce. Le directeur général des douanes avance le chiffre de 249 dépôts de plaintes individualisées (chaque plainte concerne plusieurs opérations d'exportations). M. Lebib, le 17 novembre 2002, a suggéré dans une note envoyée au chef du gouvernement de l'époque, qui était M. Benflis, de bloquer momentanément l'exportation des déchets de métaux ferreux et non ferreux. Il semblerait que les doléances du directeur général des douanes n'aient pas été prises en compte, puisque les exportations de ces produits se poursuivent. M. Lebib souhaite que les autres institutions se modernisent rapidement. Concernant le dossier du whisky frelaté, le patron des douanes soutient que l'exportateur a fait une domiciliation au niveau d'une banque. En fait, l'opération cache un transfert d'une importante somme d'argent. Prolifération de courants de fraude Les statistiques douanières pour l'année 2003 font ressortir 207 290 déclarations à l'importation, soit 687 900 articles. Pour l'exportation, le nombre de déclarations est de 12 639. En comparant le nombre de conteneurs déclarés par rapport au nombre débarqué, il ressort une différence d'environ 80 000 conteneurs. Ces derniers constituent une présomption pour une bonne partie de fraude. En d'autres termes, certains opérateurs, pas tous, ramènent la marchandise et attendent “la voie anormale” pour faire sortir la marchandise. Au cours de l'année 2003, Sid-Ali Lebib révèle le chiffre de 1 625 fausses déclarations de valeur enregistrées dans le sens de la minoration. Pour le premier semestre 2004, ce type de fausses déclarations s'est élevé à 1 145. Concernant les déclarations en espèces, la douane enregistre 1 148 fausses déclarations constatées en 2003. Au premier semestre 2004, il a été enregistré 594 fausses déclarations d'espèces. Au volet de la contrebande, M. Lebib affirme qu'en 2003, 500 000 cartouches de cigarettes, 14 300 comprimés psychotropes, 1 912 kg de kif, 509 têtes de bétail, 160 kg de métaux précieux et 114 078 litres de carburant ont été saisis par les services de douane seulement. Corruption et complicité de contrebande Le sujet de la pratique de la corruption dans les rangs des agents des douanes n'est plus, semble-t-il, un tabou. Le phénomène existe bel et bien, reconnaît Sid-Ali Lebib. Des mesures d'assainissement ont été entreprises. Dans le cadre de la lutte contre ce fléau, la direction générale des douanes (DGD) affirme que 227 agents des douanes, tous grades et fonctions confondus, convaincus de comportements indignes, ont été révoqués ou poursuivis en justice, à l'initiative de l'administration pour des “fautes professionnelles graves (vol, corruption, prévarication)”. 72 agents ont été révoqués pour fait de corruption et complicité de contrebande, dont quatre inspecteurs principaux et 47 agents de contrôle. 155 agents font l'objet de poursuites judiciaires, dont des inspecteurs divisionnaires de rang de commandant. M. R.