Ce scandale constitue l'une des plus importantes affaires qui a mis à nu un trafic à grande échelle dans les exportations des déchets ferreux et non ferreux avec la complaisance, pour ne pas dire la complicité, des services de contrôle aux frontières, notamment les services des douanes. Elle a éclaté en novembre 2000, à la suite de la censure par la télévision de l'émission « El Mouhakik » consacrée aux pratiques frauduleuses des réseaux de ce trafic. Dans cette émission, Mohamed Slimani, alors directeur des études au niveau des douanes, dénonce la volonté délibérée de son directeur général d'occulter ce courant de fraude. Saisi le 8 juin 2001 par un rapport de Slimani, qui fait état de détails accablants sur cette fraude institutionnalisée par certains responsables des douanes, mais aussi par Mohamed Bouyagoub, un ex-exportateur de déchets qui ne cessait (depuis 1995) d'attirer l'attention des autorités sur ces pratiques frauduleuses, le président reçoit, le 20 août 2001, un rapport très grave signé par le directeur général des Douanes. « Nous vous informons, monsieur le Président que de graves affaires ont été constatées au sein de l'administration douanière durant le premier semestre 2001 et qui restent uniques dans l'histoire des services des douanes. » Le directeur général cite trois gros dossiers. D'abord, le transfert illicite de devises dans le but de blanchiment à travers la falsification de documents bancaires et douaniers, et qui a causé de 1998 à 2001, un préjudice évalué à 20 milliards de centimes. Le deuxième scandale est celui des déchets ferreux et non ferreux, qui a engendré une perte sèche au Trésor public de l'ordre de 12 à 15 milliards de centimes durant la période allant de 1994 à 2001. Enfin le troisième volet est lié à l'importation des équipements électroménagers dans le cadre du système SKD et CKD, qui permet aux importateurs de bénéficier d'importantes minorations de la TVA, dans le cas où il s'agit de kits destinés à l'industrie de montage. Or, en réalité, de nombreux opérateurs importaient des produits finis et les déclaraient comme semi finis pour bénéficier des avantages fiscaux. Le rapport a estimé les pertes financières occasionnées par ce courant de fraude, entre 1998 et 2001, à 10 000 milliards de centimes. « Les trois dossiers ont à eux seuls causé un préjudice évalué entre 6 et 7 milliards de dollars », a conclu le directeur général. Le Président instruit le ministre des Finances pour l'ouverture d'une enquête sur les trois scandales, en plus d'un quatrième, relatif à l'importation du café de la Côte d'Ivoire. Une première commission, composée des représentants des ministères des Finances, du Commerce et de la direction des Douanes, est alors chargée d'apprécier les conditions de réalisation des opérations d'export des déchets ferreux et non ferreux. Ses conclusions ne font que confirmer ce que Slimani et Bouyagoub avaient dénoncé. Un immense courant de fraude, dont l'essor a pour origine, d'une part, les insuffisances de l'arsenal juridique, et de l'autre, le laxisme effarant des institutions chargées de veiller sur les intérêts de l'économie nationale. Plus grave, dans ce rapport, il est relevé « un manque flagrant de probité de certains cadres, tant au niveau des douanes qu'au niveau des banques ». Parmi les infractions « prouvées et avérées » relevées par la commission, les fausses déclarations sur le poids de la marchandise, sur son espèce et sur sa valeur, sans compter les fausses déclarations sur son origine (souvent provenant des dégradations et des vols des câbles électriques, téléphoniques, disjoncteurs, baguettes en aluminium ornant les autoroutes etc.). Les scandales qui ont fait perdre 7 milliards de dollars à l'Etat Faits qui poussent la commission à conclure : « Ce qui paraissait à l'origine comme une simple infraction inhérente à toute une activité mettant en jeu des intérêts commerciaux et financiers, allait se révéler être un simple maillon d'une chaîne frauduleuse de grande envergure (...) Et c'est d'ailleurs sur la base des défaillances dénoncées que le nouveau directeur général, Sid Ali Lebib, a décidé la mise en place d'une commission d'enquête présidée par Mohamed Slimani, et dont les nombreuses réunions se sont soldées par un dépôt de plainte officiel contre les agents et opérateurs ayant par leur attitude, gravement porté atteinte aux intérêts de l'économie nationale. » Les Douanes françaises sont parallèlement saisies afin de vérifier l'ensemble des opérations d'exportation de ces déchets. La réponse, encore une fois, confirme le courant de fraude, et les chiffres donnés prouvent les pratiques frauduleuses des exportateurs. Chargé de représenter l'institution douanière auprès de la justice, Mohamed Slimani dépose plainte pour les trois affaires citées plus haut. La première affaire instruite est celle liée aux exportations des déchets ferreux et non ferreux. Le magistrat instructeur place sous mandat de dépôt quatre responsables des douanes, Bouguelid Abdelaziz, directeur de la valeur et de la lutte contre la fraude, Belkheir Mohamed Faouzi, directeur régional du service contre la fraude à Alger-port, Boukerrouche Aziz, chef de service de lutte contre la fraude de l'aéroport Houari Boumediène, et Boudlioua Abderrazak, receveur principal d'Alger- port. Huit autres douaniers dont des inspecteurs ont été placés sous contrôle judiciaire, tout comme d'ailleurs de nombreux exportateurs. Entre temps, le DG des douanes suspend de leurs fonctions l'ensemble des mis en cause. Quatre mois plus tard, les quatre cadres quittent la prison après avoir bénéficié de la liberté provisoire. Ils sont réintégrés dans leur poste, et certains sont même promus à des grades supérieurs. L'affaire commence à se faire oublier. De nombreux dossiers sont détruits et d'autres remis aux calendes grecques, exprès pour qu'ils soient touchés par la prescription. Parallèlement, Mohamed Slimani est suspendu de son poste puis révoqué, alors que Mohamed Bouyagoub est confronté aux pires pressions et menaces. M. Slimani gagne toutes les actions entreprises pour sa réintégration, mais au bout du compte, l'actuel DG des douanes a refusé l'exécution de la décision. M. Bouyagoub, pour sa part, a fini à l'hôpital psychiatrique, où il se soigne à d'une dépression nerveuse depuis près d'une année. En juillet 2007, après 5 longues années de procédures, la chambre d'accusation près la cour d'Alger a renvoyé le dossier devant le tribunal criminel. Cette instance jugera demain Bouguelid Abdelaziz, actuel directeur de la coopération au niveau de la direction générale des Douanes pour faux en écriture officielle, négligence flagrante et octroi de dispense de paiement des droits et taxes publiques sans autorisation, Belkheir Faouzi Mohamed, Boukrouche Aziz, Boudlioua Abderrazak, Bouziane Kamel, Mesloub Djillali, Cherbane Toufik, Benamara Ali et Saïdi Abdelkader, pour les crimes de faux sur document officiel et négligence flagrante dans la dilapidation des deniers publics. Ils sont tous concernés par la procédure de prise de corps. Trois autres douaniers, Salem Nabil, actuel chef d'inspection divisionnaire de l'aéroport (fret), Khouta Hocine et Amirouche Zoubir, comparaîtront pour les délits de négligence dont dilapidation de deniers publics. Les sept exportateurs, Ikhlef Kamel, Isiakhem Fawzi, Abdi Reda, Yahiaoui Khalifa, Chebouti Ali et Harzaï Khaled sont poursuivis pour les délits de fausses déclarations sur la valeur, l'espèce et le poids. A signaler que Slimani et Bouyagoub ont été convoqués comme témoins, au même titre d'ailleurs que des responsables des ministères des Finances, du Commerce et de la Banque d'Algérie. Reste à savoir enfin si les autres scandales liés aux affaires SKD-CKD et des transferts illicites connaîtront un jour leur épilogue dans les tribunaux ?