Du bio-theater fastueux mais piégé par une vision monolithique du personnage. Roujou' Al Eubad, un nouveau bio-theater produit dans le cadre de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique», est un hommage à Sidi Boumédiene (1126/1196), le saint patron de Tlemcen et pôle du soufisme en Algérie. Il fait écho à Mashdaly Zwawi fi Tilimsan, montée par le TR Béjaïa et consacrée à cet autre homme de religion. Dans les deux, on se retrouve dans l'histoire apologétique, sans rugosité, sans aspérité, avec des personnages tout de vertu et de vaillance, ce qui, théâtralement, est casse-cou. Pis, en plus d'éluder la vie d'homme de leurs personnages au profit de leur vie spirituelle, les auteurs se privent de l'essentiel qui caractérise cette dernière. En effet, par manque d'audace, ils évacuent les conflits intérieurs, les doutes et les âpres controverses théologiques qui auraient pu donner de l'épaisseur aux personnages et de la vigueur à la dramaturgie. Le conflit d'idées est absent, ce qui n'était pas, par exemple, le cas dans Hallaj El kheïr, Hallaj El fouqara où il atteint les cimes du tragique. Hallaj est un autre bio-theater, produit celui-là par le TR Batna. Les metteurs en scène, Fetmouche pour Mashdaly et Kara Sid Ahmed pour Sidi Boumédiene, ont dû déployer toutes les ressources de la technique pour forcer le plaisir de l'œil et de l'oreille dans une série de tableaux où les couleurs chatoient, avec des intermèdes chantés et dansés qui s'avèrent les moments les mieux enlevés des spectacles. Cependant, dans Roudjou…, écrite par Boukeba Abderrazak, le texte s'efforce d'éviter l'écueil d'une plate linéarité au récit. Il fait se chevaucher les époques en juxtaposant les événements. Il y insère également une tumultueuse histoire d'un couple d'amoureux déchiré par la passion. Mais, en dépit de cela, comme le choix est au panégyrique, le texte verse immanquablement dans la grandiloquence, alors que l'image d'Epinal domine la réalisation. Dommage. De plus, le passage de l'arabe classique à la «darija» dans les répliques n'est pas très heureux, d'autant que certains comédiens ne sont pas à l'aise dans la déclamation du littéraire. Quant à la somptueuse scénographie d'Abdelhalim Rahmouni, elle est efficacement exploitée par un Sid Ahmed Kara, qui a acquis beaucoup de maturité. Enfin, au sein de la distribution, on retiendra la prestation de Mohamed Adar dans le rôle d'un derviche que Sidi Boumédiene, enfant, eut pour protecteur et précepteur. Le grand métier et la présence de ce comédien lui ont permis de rendre crédible ce personnage. Signalons, à ses côtés, Adila Soualem qui campe adorablement Sidi Boumédiene. Oui, une comédienne. Et, c'est sans doute une première dans l'histoire du théâtre algérien où, par le passé et notamment aux débuts, faute d'élément féminin, on a assisté maintes fois à l'inverse.