Des mastodontes se greffent aux belles habitations, le tout dans un environnement fortement dégradé. Il existe à Constantine, à l'instar de toutes les importantes villes du monde, des quartiers «huppés», c'est-à-dire qui offrent un niveau appréciable de confort, voire de luxe. Le mot lui-même suggère un environnement prospère, des habitations florissantes, de coquettes villas ceintes de jardins fleuris, des immeubles élégants, avec appartements grand standing, un entourage respirant la propreté, des chaussées bitumées, bien entretenues… en somme tout ce qui suscitait, il y a bien longtemps, l'admiration et même l'envie du commun des mortels. Dans le temps, à titre d'exemple, Bellevue et Sidi Mabrouk, avec leurs magnifiques squares ombragés, véritables havres de paix, étaient les lieux de prédilection des flâneurs de tout bord. «Il y a des personnes chanceuses qui ne connaissent pas les désagréments des cités populaires», faisait-on remarquer. Qu'en est-il aujourd'hui? Un quartier, synonyme de réussite urbaine, comme Sidi Mabrouk (supérieur, et à un degré moindre inférieur), avec ses différentes subdivisions, Beau-Séjour, El Menzah, El Hayat, les Lauriers-roses, Benchicou…, croule sous les ordures. La chaussée est détériorée. Les nids de poule et les crevasses (notamment à proximité de la maternité des Apôtres) en sont désormais les caractéristiques, à l'instar d'ailleurs de tout le réseau routier de la ville. Les fuites d'eau potable y sont cycliques. Le liquide précieux court un peu partout, ne faisant qu'ajouter à la désolation consommée de ces faubourgs déchus. Les centres commerciaux, qui poussent comme des champignons, ont remplacé les demeures somptueuses d'antan. Certains propriétaires de ces bazars new look n'hésitent pas à rogner sur les trottoirs, au mépris des lois et des passants, pour étaler leurs devantures. «Tous ces magasins qui prolifèrent à l'intérieur des périmètres d'habitation ne sont pas toujours une bonne chose pour l'équilibre urbain de cités censées être la vitrine moderne de la ville», estime un ancien architecte. Mais encore le mal serait moindre si ces commerçants savaient gérer leurs déchets; le soir les rues sont tristement jonchées de cartons, emballages et autres ordures, laissés sur place par les boutiquiers. Ce mégaquartier légendaire cache une autre plaie honteuse: une gigantesque décharge à ciel ouvert, «dissimulée» derrière le marché, où de temps à autres les marchands et autres y brûlent les immondices, polluant tout l'environnement immédiat. Où réside la différence entre les quartiers «luxueux» et ceux populaires, alors ? L'incivisme n'est donc nullement l'apanage des pauvres ! Une clochardisation accélérée Un tour à Bellevue laisse perplexe. Les rues sont dans un état lamentable, et des boutiques émergent de la plupart des «villas». L'espace, dans beaucoup de cas, qui était réservé à une chambre, est transformé en commerce. «Les autorités concernées par l'urbanisme ont largement contribué au gâchis de ce quartier, qu'on comparaît dans le temps à une coquette banlieue parisienne», déplore un ancien habitant de ce quartier mythique. Son jardin public qui, au début était bien entretenu, est détérioré par des bambins gâtés, sous l'œil complaisant des mères et celui résigné du gardien. Le décor est le même: poubelles débordantes et sachets en plastique. Idem du côté du Coudiat. «Comment un quartier administratif, qui abrite en outre le commissariat central, en est-il arrivé à devenir le fief des drogués et autres délinquants ? Au lever du jour, l'on constate les traces des orgies et autres beuveries nocturnes», s'indignent des habitants d'immeubles autrefois cossus, mais aujourd'hui détériorés, malgré la peinture qui les maquille de l'extérieur.