Les députés français ont approuvé hier une proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien de 1915, qui a fait 1,5 million de morts, d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende, un vote qui a provoqué les premières représailles diplomatiques d'Ankara avec le rappel de son ambassadeur à Paris. «Il part demain (aujourd'hui, ndlr)», a déclaré le porte-parole de l'ambassade, Engin Solakoglu. «Cette loi équivaut à une trahison de l'histoire et des réalités historiques», a condamné le vice-Premier ministre turc Bülent Arinç, estimant qu'elle signe «le retour en France des tribunaux de l'Inquisition». Le ministre arménien des Affaires étrangères, Edouard Nalbandian, a lui, exprimé «la gratitude» de son pays. La France «en adoptant cette loi a prouvé de nouveau qu'il n'y avait pas de prescription pour les crimes contre l'humanité et que les nier devait être puni», a-t-il déclaré. Le texte a été approuvé par une très large majorité de la cinquantaine de députés présents alors que plusieurs milliers de Français dénonçaient cette législation aux abords de l'Assemblée nationale. Le vote porte un coup aux relations franco-turques dans un contexte où les deux pays s'attachaient à faire cause commune pour obtenir un arrêt de la répression en Syrie. Liées par des engagements internationaux au sein de l'Union européenne et de l'Organisation mondiale du commerce qui empêche la Turquie de «discriminer pour des raisons politiques un pays», selon le ministre français aux Affaires européennes, Jean Leonetti, la France n'a donc pas pris en compte les menaces d'Ankara pour empêcher le vote de ce projet de loi, proposé en 2010 par Valérie Boyer, une députée du parti présidentiel élue à Marseille, où vit une forte communauté arménienne, et qui avait ravivé la polémique sur le rôle des politiques dans l'écriture de l'histoire. La Turquie y voit une manœuvre pour s'attirer les faveurs du demi-million d'«Arméniens de France» lors de la présidentielle d'avril, ce qu'a démenti Paris. Nicolas Sarkozy est l'un des plus vifs opposants à l'entrée de la Turquie dans l'UE et les relations avec la Turquie depuis son arrivée au pouvoir en 2007 ont été émaillées de crises.